Les nouvelles dispositions du gouvernement algérien en matière d’encadrement de l’investissement étranger et partenariat algéro-français

Redaction

Question 1- Les nouvelles dispositions en matière d’investissement par le gouvernement algérien ne risquent-elles pas de freiner l’investissement étranger

Je ne puis vous donner que mon point de vue en tant qu’expert.. Je pense qu’il faille cerner les causes fondamentales de la faiblesse pour ne pas dire la nullité de l’investissement hors hydrocarbures et ce comme j’ai eu l’occasion de le relater il y a de cela quelques mois au quotidien économique parisien les Echos : l’essence du blocage réside en Algérie au système bureaucratique que je qualifie de terrorisme bureaucratique , qui produit d’ailleurs la sphère informelle fonctionnant dans un Etat de non droit qui accapare 40% de la masse monétaire en circulation, de la sclérose du système financier , de la faiblesse d’un marché foncier libre. Tout cela renvoie au manque de cohérence et de visibilité dans la démarche de la politique socio-économique qui freine pas seulement les investisseurs étrangers mais également les investisseurs locaux sérieux qui peuvent accroître la valeur ajoutée interne et pas seulement se focaliser dans des investissements spéculatifs à court terme comme actuellement qui ne contribue pas à une croissance durable. Pourtant, il ne faut pas être pessimiste, les échanges commerciales entre l’Algérie et la France qui étaient d’environ 8 milliards de dollars US ont dépassé les 10 milliards de dollars fin 2008 essentiellement des hydrocarbures pour la partie algérienne, l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques, les produits issus de l’industrie automobile pour la partie française. La France demeure le premier investisseur hors hydrocarbures mais dominées à plus de 70% par les PMI/PME. Selon les données de l’ambassade de France à Alger fin décembre 2008, 300 filiales sont installées ayant créé 30.000 emplois directs. Certes les échanges commerciaux sont en hausse mais demeurent figés dans leur structure. Car, malgré une bonne évolution, ces échanges ne reflète pas les potentialités, et elles sont énormes entre les deux pays, la France ayant totalisé en 2008 560 milliards de dollars d’exportation dont 65% uniquement vers l’Europe certes loin derrière l’Allemagne premier exportateur mondial qui a dépassé les 1500 milliards de dollars .Ce qui explique que la France dans bon nombre d’affaires est devancé par l’Italie , la Chine et certains pays du Golfe qui prennent des parts de marché de plus en plus en plus importants. Car, dans la pratique de affaires il n’y a pas de sentiments. L’Algérie sous réserve d’une levée des entraves bureaucratiques qui freinent tout investissement local ou international lié à l’avancée des réformes micro-économiques et institutionnelles recèle d’importantes opportunités d’affaires et la volonté politique est d’asseoir une économie hors hydrocarbures. Elle a un stock de la dette inférieur à 5 milliards de dollars, des réserves de change d’environ 143 milliards de dollars et un programme d’investissement 2009/2014 de 150 milliards de dollars. Par ailleurs c’est un partenaire stratégique en matière d’énergie pour l’Europe dont la France , 2015comme le montre les bonnes relations entre Gaz de France, Total et Sonatrach, devant après la Russie et la Norvège contribuer à l’approvisionnement de l’Europe pour 14% horizon 2015. Et ce à travers Medgaz (Europe via Italie qui verra son fonctionnement fin 2009), Galsi (Europe via Italie) dont les travaux seront lancés courant 2010. En bref, il faut reconnaître que l’objectif stratégique de l’Algérie est de diversifier son économie n’ayant presque rien à exporter hormis les hydrocarbures reflété par le taux modique d’exportation hors hydrocarbures ( 2% du total).Et dans le cadre d’une politique de substitution à l’importation ,la dynamisation des PMI/PME afin de densifier le tissu industriel algérien sans oublier les services qui ont un caractère de plus en plus marchands, le partenariat entre l’Algérie et la France a beaucoup d’opportunités mais en étant réaliste en tenant compte des avantages comparatifs mondiaux car nous sommes à l’ère de la mondialisation.

Question 2- Mais ces mesures n’y contribuent- elles pas ?

Il faut replacer ces mesures dans el cadre de la crise économique mondiale qui est une crise systémique, donc non conjoncturelle, les pertes en sous capitalisation ayant été estimées depuis la crise par le FMI, provisoirement à plu de 52.000 milliards de dollars , devant assister si les thérapeutiques s’ avèrent efficaces supposant une coordination au niveau mondial sans faille, et s’attaquer aux dysfonctionnements de l’économie mondiale, à une stabilisation en 2010 et une reprise réelle vers 2013/2014. Face à cette situation avec des tensions sociales de plus en plus criardes du fait de la montée du taux de chomage, bon nombre de gouvernements de pays développés ( USA- et européens ) prônent la préférence nationale. Or c’est ce qui s’est passé avec la crise de 1929 et ces mesures protectionnistes au lieu de résoudre la crise ont amplifié la récession de l’économie mondiale. La résolution du G20 à Londres notamment sous la pression paradoxalement des pays émergents a combattu cette vision d’autant plus négative que le contexte nouveau est ’interdépendance accrue des économies. D’où l’importance du rôle stratégique de l’Etat régulateur en économie de marché et dans le contexte actuel d’instances supranationales de régulation. Pour le cas algérien il semble bien que l’on confonde retour à l’étatisme des années 1970 avec l’Etat régulateur, l’Etatisme étant suicidaire pour le pays, comme le montre la faillite du bloc communiste. Les actions actuelles aux USA et autres s’inscrivent dans le cadre d’une économie de marché par la détention transitoire de minorités de blocages, donc en privilégiant la gestion privée. Aussi, pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait donc mette en place des mécanismes de régulation afin d‘attirer des investisseurs porteurs, évitant des changements périodiques de cadres juridiques, des actions administratives bureaucratiques non transparentes source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs sérieux qu’ils soient locaux ou étrangers.

Question-3- Préciser le contenu des dispositions récentes ?

Dans le cadre d’un Etat de droit, seule une loi peut abroger une loi. Le Premier Ministre algérien vient de déclarer que des circulaires d’applications seraient promulguées pour éclaircir ces dispositions tout en précisant qu’il y aurait préférence pour que le management stratégique en cas de transfert de technologie soit dévolu aux étrangers et que les étrangers choisiront librement leurs partenaires . Car si l’on impose de personnes dans le capital des sociétés étrangères et des bureaucrates chargés de la gestion, personne ne viendra et ceux qui sont en Algérie partiront. .On aurait alors de opportunistes soucieux seulement de partager la rente avec des Algériens désignés. Je ne pense pas que les orientations du gouvernement algérien vont dans ce sens négatif. Attendons donc des éclaircissements qui ne sauraient tarder car ce flou entretient la suspicion.

Question-4- N’existe –il pas d’autres obstacles politiques qui freinent les relations et quelles perspectives du partenariat entre l’ Algérie et la France ?

IL y a effectivement le devoir de mémoire que l’on ne saurait occulter. Pour preuve bien qu’il faille éviter des assimilations abusives, l’extermination inadmissible des juifs par le régime nazi dont les chambres à gaz et ses collaborateurs dans certains de pays a contraint bon nombre de pays à faire preuve de réalisme. Il appartient à la fois aux politiques, intellectuels, opérateurs économiques et aux historiens algériens et français d’en faire l’écriture objective et je salue les importants travaux d’un algérien Mohamed HARBI et un français Benjamin STORA. Dépassionnons pour un devenir solidaire les relations algéro- françaises et évitons de part et d’autre d’ajouter de l’huile sur le feu. La prochaine visite du président Abdelaziz BOUTEFLIKA également en France après la visite du Président français Nicolas SARKOZY devraient impulser les relations entre l’Algérie et la France , Mais il faut être conscient que les nouvelles relations internationales ne se fondent plus essentiellement sur des relations personnalisées entre chefs d’Etat mais sur des réseaux et organisations décentralisés à travers l’implication des entreprises et de la société civile qui peuvent favoriser la coopération, le dialogue des cultures, l’émigration ciment de l’inter culturalité pouvant être un vecteur dynamisant . Certes, les relations entre la France et l’Algérie sont souvent passionnées pour des raisons historiques à l’image d’un vieux couple. Mais, je suis persuadé du nécessaire rapprochement entre l’Algérie et la France d’une intensification de la coopération à la mesure du poids de l’histoire qui nous relie, ne devant pas oublier la coopération an matière de lutte contre le terrorisme qui est une menace planétaire. Dans le cadre d’un partenariat fructueux, je préconise une université euro méditerranéenne, le savoir, avec la bonne gouvernance étant les piliers du développement du XXIème siècle, tout en contribuant à la fécondation des cultures et le combat pour la tolérance, une banque d’investissement euro méditerranéenne lieu de mise en œuvre des affaires, dont l’Algérie et la France peuvent être des acteurs dynamisants en renforçant l’intégration magrébine à laquelle je suis profondément attachée si l’on veut attirer des investisseurs potentiels intéressés non par des micro- espaces mais par un marché de plus de 100 millions d’habitants ce qui nous renvoie aux premières questions. Dépassionnons les relations, l’histoire commune nous imposant d’entreprendre ensemble au sein de l’espace euro méditerranéen espace naturel de nos deux pays. Pour terminer, dans la pratique des affaires, il n’y a pas de sentiments, mais la logique du profit, l’avenir appartient à la libre entreprise où l’Etat devra encadrer (concilier les coûts sociaux et les coûts privé) et non imposer. Pour l’Algérie la production et exportation hors hydrocarbures dérisoire ( 2% du total ) passe par l’approfondissement de la réforme globale qui seule permettra de profiter des avantages comparatifs des Accords internationaux ( Union Européenne, OMC,) et donc d’attirer les investisseurs qui sont le support essentiel de cette nouvelle dynamique, l’Algérie ayant toutes les potentialités pour devenir un pays pivot et la France un allié stratégique de premier plan pour un partenariat équilibré et solidaire tenant compte du nouveau défi écologique (co-développement) , et ce loin de tout esprit de domination.

Interview donnée le 03 juin 2009 à Radio France Internationale (RFI) par le docteur Abderrahmane MEBTOUL Economiste (Algérie)

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