Une évolution surprenante alors que le débat tournait encore autour de la réévaluation du dinar en octobre dernier. Le dinar est fortement reparti à la baisse depuis cinq semaines. La monnaie algérienne a perdu 12% de sa valeur après avoir atteint des cotations de 1 euro pour 87 dinars et 1 dollar pour 62 dinars en octobre dernier puis à la fin du mois de février.
Il fallait 96,53 dinars pour acheter un euro et 73,47 dinars pour acheter un dollar au fixing du 14 avril sur le marché interbancaire des changes. La parité commerciale du dinar face à l’euro et au dollar est encore plus faible. Elle a frôlé le seuil psychologique d’un euro pour 100 dinars la semaine du 03 au 10 avril.
Les importateurs n’ont pas encore répercuté cette « inflation par le taux change », mais les domiciliations bancaires pour les importations du mois d’avril « donneront des prix plus élevés des produits distribués dans huit à dix semaines, le délai moyen de la mise sur le marché » explique Rachid Bradja, distributeur de marques européennes de chocolat. La chute de la valeur du dinar a prix le marché à contre-pied après un deuxième semestre 2008 ou la tendance était au raffermissement du dinar face aux deux principales devises du commerce extérieur algérien.
Ainsi après une moyenne du taux au 1er trimestre 2008 de 99,43 dinars pour un euro et une parité de 103,18 en fin de période, le dinar s’est sensiblement redressé en seconde moitié d’année pour afficher 91,80 dinars pour un euro en moyenne du troisième trimestre et 87,34 en fin de période. La courbe d’évolution est semblable du dinar face au dollar lequel nécessitait en moyenne 66,43 dinars à l’achat au début de l’année pour ne valoir que 61,28 dinars au troisième trimestre. « Certains opérateurs parmi les plus avertis comme les distributeurs d’automobile ont anticipé la poursuite du redressement du dinar en 2009 et l’ont inclue en réduisant leurs marges dans les prévisions » explique Rachid Bradja qui dit avoir « échappé à cette tentation ».
Recommandation du FMI mais en sens inverse
L’accès de faiblesse du dinar est complet avec une chute également sur le marché parallèle ou continue de se financer une part, certes déclinante, mais toujours significative, entre 10% et 15 % des transactions : petites importations au noir, évasion fiscale, voyages, opérations de services non couvertes par la banque d’Algerie, etc… Un cambiste d’El biar, quartier résidentiel des hauteurs d’Alger, vendait le jeudi 16 avril l’euro pour 123, 40 dinars.
Il était redescendu à 94 dinars lorsque, en octobre dernier, le taux officiel en banque était à 87 dinars pour un euro. La baisse significative de la parité du dinar a d’autant surpris les acteurs de marché qu’à l’automne le FMI avait exercé des « pressions amicales » sur l’Algérie pour qu’elle laisse la valeur du dinar s’apprécier compte tenu des réserves de change accumulés après la montée des cours du pétrole. La banque d’Algérie avait répliqué d’un communiqué homérique qui affirmait en substance que la valeur du dinar était proche de la réalité des performances de l’économie algérienne. « La banque d’Algérie qui comme chacun le sait manipule le flottement du dinar supposé donner sa valeur, a appliqué les recommandations du FMI, mais en sens inverse. Elle a bloqué l’appréciation du dinar lorsque les excédents en devises enflaient, et elle a lâché le dinar lorsque, comme depuis six mois, le prix du pétrole a dangereusement baissé » explique un ancien ministre algérien des années 90.
Equilibre budgétaire et économie « low cost »
Les explications de « cette option » du dinar « encore plus faible » ne sont pas encore claires pour les observateurs. Pour le marché parallèle, « nous savons qu’il est moins approvisionné en euros à cause de la crise mondiale, les transferts des non résidents ont sérieusement baissé et l’équilibre entre l’offre de l’euro et les porteurs de dinars s’est rompu » affirme Mourad, un cambiste au Crédit Populaire Algérien (CPA).
Dans le cas du taux officiel, « c’est l’incompréhension ». L’Algérie a importé pour 39,8 milliards de dollars de biens en 2008. La parité du dinar détermine le prix de vente final de l’équivalent de plus de 18 milliards de dollars de biens destinés soient à la revente en l’état soit au traitement: agro-alimentaire, médicaments, automobiles, électroniques, demi-produits et matières premières.
« La baisse de la valeur du dinar arrange les affaires du gouvernement sur le front de l’équilibre budgétaire. La fiscalité pétrolière dégagera 10% de plus avec l’actuel contre valeur en dinar si elle devait s’installer dans la durée de l’année 2009. Cela est une réponse de courte vue face à la baisse des cours du pétrole, car dans le même temps les salaires seront durement frappés par l’inflation importée » explique l’ancien ministre. Pressés de réévaluer le dinar, les autorités algériennes avaient également cité la volonté de rester compétitif avec un dinar « sous-évalué » pour attirer les investisseurs étrangers.
Le débat est retombé entre partisans d’un dinar réévalué pour soulager les algériens et ceux d’un dinar faible pour soutenir une destination « low cost » pour les investisseurs étrangers. La rechute inattendue du dinar en ce début d’année 2009 promet de le relancer dans l’urgence.
« lesafriques.com »