Air Algérie : sommes-nous réellement capables de gérer une compagnie aérienne ? Par Abdou Semmar

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« Malheureusement, nos politiciens sont soit incompétents, soit corrompus. Quelquefois les deux en même temps, le même jour », a dit le talentueux et magnifique Woody Allen. Je ne trouve pas mieux que cette citation pour illustrer le gâchis causé par la gestion chaotique de la compagnie nationale Air Algérie.

 

Rarement une compagnie aérienne n’aura symbolisé autant l’anarchie, la désorganisation, le manque de sérieux et le mépris envers les passagers. Air Algérie s’est enfoncée cette année encore dans la spirale de la mauvaise gestion. On ne compte plus les vols retardées ou annulés, les incidents techniques comme celui survenu mardi après-midi à Lille au nord de la France, l’absence de communication, la cherté excessive des billets d’avion, etc. En bref, voyager avec Air Algérie s’apparente à une condamnation à des travaux forcés !

Cette situation dure depuis de longues années. Le crash du vol AH 5017 n’a pas suffi pour interpeller nos décideurs, qui regardent avec amusement la descende aux enfers de la compagnie nationale. Certes, même les compagnies les plus prestigieuses dans le monde ont été victimes de crash. Mais la gestion d’Air Algérie et les conditions dans lesquelles elle affrète ses avions n’ont jamais été transparentes. La gestion des crises de notre compagnie aérienne ne se conforme à aucun standard international. Et le silence dans lequel se mure Air Algérie à chaque problème nous rappelle tout simplement le caractère secret et sombre de notre régime.

Une compagnie aérienne qui obscurcit ses dysfonctionnements en recourant au secret, c’est une compagnie qui reflète la nature abjecte d’un régime décadent. Trop, c’est trop ! Les Algériens ont ras-le-bol de subir le monopole de l’échec permanent. Oui, Air Algérie exerce un monopole révoltant alors qu’elle n’arrive même pas à faire décoller ses avions à l’heure. Toutes les lignes intérieures sont entre les mains de cette compagnie qui excelle dans l’art de la justification et de la victimisation sans jamais procéder à son autocritique. Combien de vols Alger-Tamanrasset, Alger-Sétif, Alger-Constantine, Oran-Béchar, Oran-Adrar ont été annulés à la dernière minute ou retardés de plusieurs heures, laissant les passagers abandonnées à leur sort dans des aéroports sous-équipés, sans aucune prise en charge ? Combien de fois un avion d’Air Algérie n’a pas décollé parce qu’il a manqué de personnel qualifié ? Combien de fois des explications ont été demandées aux responsables de la compagnie et du ministère des Transports sans que personne ne daigne les fournir ?

Trop, c’est trop ! Cet été, quelques mesures ont redonné de l’espoir aux Algériens. Une réduction des prix des billets d’avion et des promotions, des lignes renforcées, mais au final les promesses n’ont jamais dépassé le stade de promesses. Les promotions des prix des billets d’avion ont été un véritable flop. Et les traditionnels retards ont encore gagné en intensité atteignant des pics jamais égalés : plus de 12 voire 15 H de retard !

A ce rythme, Air Algérie va figurer dans le Guiness Book des records. Et au niveau de la direction générale de la compagnie, on se contente encore d’expliquer que le crash du AH 5017 a énormément perturbé le programme estival des vols de cette année. Mais une compagnie soutenue par l’État, disposant du monopole sur les lignes intérieures, n’est-elle pas capable de rebondir après un coup dur ? Comment est-ce possible ?  Et comme l’insulte à la dignité des Algériens n’était guère suffisante, la responsable de la communication à Air Algérie est allée jusqu’à employer le fameux « Allah Ghaleb » pour  expliquer que sa compagnie ne peut pas prendre en charge ses passagers, qui ont payés chèrement leurs billets, en cas d’un immense retard.  « La réglementation stipule que les passagers doivent être pris en charge au-delà de certaines heures de retards. Quand on dépasse un certain nombre d’heures, la compagnie prend en charge l’hébergement des passagers dans les hôtels avec lesquels nous avons des accords, dans la mesure des infrastructures disponibles. Quand il n’y en a pas, Allah Ghaleb (on ne peut rien faire) », confie ainsi Mounia Bertouche, chargée de communication d’Air Algérie à nos confrères de Tout sur l’Algérie. Un discours hallucinant qui aurait suffi pour susciter une protestation nationale s’il était prononcé dans un pays où les autorités sont soucieuses du bien-être de leur population.

« Allah Ghaleb », nous ne sommes plus capables de diriger une compagnie aérienne nationale. La voila, la triste vérité. Dans un autre pays, ces dysfonctionnements et ses désagréments auraient causé le limogeage du ministre des Transports, du PDG de la compagnie et des principaux responsables du secteur du transport aérien. Mais en Algérie, l’incompétence ne choque plus. Au contraire, elle est non seulement tolérée, mais aussi promue et défendue.

Dans un autre pays, une compagnie comme Air Algérie aurait fait depuis longtemps sa mue, en subissant un sérieux audit et plan de relance. Mais en Algérie, pays où la paix sociale est sacrée et où les performances économiques sont presque jugées haram, rien de cela n’est possible. Le Président de la République continue de voyager à bord de son avion présidentiel luxueux. Le Premier ministre emprunte aussi un avion spécial. Nos hauts dirigeants voyagent pendant leurs vacances avec des compagnies internationales plus prestigieuses et plus onéreuses. Ils sont donc indifférents au sort de ces citoyens qui subissent  de plein fouet les sempiternels échecs d’Air Algérie.

Les employés de cette compagnie sont également des victimes d’une situation qui les révolte. Beaucoup d’entre eux aimeraient changer les choses, enclencher une nouvelle dynamique et redorer le blason de la compagnie nationale. Malheureusement, ils sont réduits au silence par le jeu des combines, du népotisme et du favoritisme. Au final, il aurait peut-être fallu donner la gestion d’Air Algérie aux Français ou aux Chinois, comme on le fait pour les autres chantiers stratégiques du pays. L’aéroport est géré par les Français, le métro aussi, la Grande-Mosquée sera construite par les Chinois, demain Air Algérie sera probablement entre les mains des managers étrangers. Et ce jour-là, certains continueront à nous parler sans gêne des « grandes réalisations » de l’Algérie indépendante.

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