A Ben Aknoun, un affaissement de la chaussée a provoqué de sérieuses perturbations dans la circulation automobile. On ne peut qu’en prendre acte puisque les responsables essaient de faire leur travail du mieux qu’ils peuvent. C’est ce qu’ils nous ont dit. Tout rentrera dans l’ordre très bientôt. Dont acte donc !
Mais par-delà l’incident lui-même qui n’a rien d’exceptionnel ni de particulièrement dramatique, il nous paraît intéressant de nous habituer à garder le sens de l’humour dans l’intérêt de notre santé mentale.
Ainsi, nous avons relevé que monsieur Amirouche, le directeur des ressources en eau, nous a gratifié d’une formule merveilleuse en nous assurant « qu’il a fallu creuser pour approfondir notre connaissance de la situation ». Pour ceux qui ne le savaient pas, il faut creuser pour aller plus profond. Eh oui ! On creuse pour agrandir aussi bien la connaissance que le trou. Et à propos de trou, nous ne disposons d’aucune précision, ni sur l’importance, ni sur la nature, ni sur les conséquences liées au phénomène. Il faut reconnaître que le mot pose problème parce que la difficulté consiste à trouver les moyens de le combler. Songez qu’on dit bien boire comme un trou, sortir de son trou, rentrer dans un trou. Mais quel trou ? Trou d’air, trou d’eau, trou de serrure, trou de souris, trou de mémoire, trou du puits, trou du fût, trou de chaussette, trou de balle, trou de golf. Sans parler de trou dans le budget, ni de ceux qui essaient de faire leur trou.
Et puis on se souvient de cette histoire absurde du conducteur de camion et de son compagnon chargés de livrer un trou dans une usine. En cours de route, ils remarquent dans le rétroviseur qu’ils ont perdu leur chargement à cause d’un dos d’âne. Ils s’arrêtent pour le remettre dans le camion mais en descendant ils tombent dans le trou. C’est le modèle même des histoires absurdes. Celle de Ben Aknoun ne le serait pas moins.
C’est toujours monsieur Amirouche qui nous assure qu’ils ont « carrément déplacé les ancien collecteurs d’eau qui se trouvaient sur la rocade vers la Route Nationale 36 ( Aïn Allah-Ben Aknoun ) ». Nous voilà donc confrontés à un problème que les fondamentalistes ne tarderont pas à exploiter, avec leurs regards lubriques et leurs gestes menaçants. Ils vont nous dire que ce n’est pas par hasard si le débordement a eu lieu à la « Source d’Allah » et qu’il faut y lire la colère divine contre nous mais pas contre eux, bien évidemment. Dieu, selon eux, nous aurait envoyé un premier avertissement avant de nous faire mourir par noyade à la prochaine colère.
On pourra toujours hasarder une autre explication à cette mini catastrophe. Prétendre par exemple que c’est la revanche des terrains de golf. Nous sommes l’un des rares pays à ne pas en avoir. Il y en a bien un de neuf trous à côté de Ben Aknoun qui date de Mathusalem mais qui est inutilisable. Une protestation donc que les neufs trous ont exprimé violemment pour avoir été privés de balles depuis 1962. Si on multiplie 9 trous par 54 ans d’absence de balles on obtient un grand gouffre pareil à celui qui a vu le jour à Ben Aknoun. Ceci donc explique cela.
Plus sérieusement, réjouissons-nous de ne pas avoir eu à déplorer de victimes, ni de dégâts considérables ; félicitons nos services d’avoir réagi avec célérité et enfin tâchons de toujours garder un peu d’humour dans les moments difficiles. C’est comme le sourire. Cela aide à supporter la douleur.
Aziz Benyahia