Sous d’autres cieux, la politique est conçue comme une lutte entre des idées, des projets de société, des idéaux et des visions du monde qui divergent et s’opposent les unes aux autres. En Algérie, il n’en est rien. La politique à l’algérienne, ce n’est ni des idées, ni des débats à propos de l’avenir de notre société ni un laboratoire d’échanges ou lieu d’expérimentation de quelques théories controversées ou novatrices.
Non, la politique en Algérie n’a rien avoir avec tout cela. La politique à l’algérienne, c’est à peine un spectacle désolant où l’humour de bas étage prend le dessus sur le bon goût et l’élégance morale. La politique made in Dz, ce sont des mascarades à ne plus en finir qui amusent une société ankylosée par son dégoût généralisé et son fatalisme rampant. Il n’y ni le Bien ni le Mal en Algérie, du moins dans le champ politique. Il n’y a de la place que pour le ridicule.
Le ridicule est incarné par un gouvernement populiste qui passe le plus clair de son temps à présenter une explication simpliste aux difficultés dans lesquelles se débattent les Algériens, victimes du sous-développement en dépit des énormes potentialités de leur pays. Nos dirigeants ont un hobby préféré : désigner les opposants, les étrangers, les intellectuels, les artistes et les objecteurs de conscience comme responsables des malheurs de l’Algérie, ce beau pays où la stabilité est la clé du bonheur. Quant aux souffrances des pauvres citoyens, on leur propose des solutions simplistes et peu mobilisatrices pour remédier à leur situation critique. Et quand on ne fait pas cela en Algérie, on fait quoi au juste ?
Et ben on danse ! Oui, on danse à la gloire d’Abdelaziz Bouteflika, le plus grand président de tous les temps, le plus intelligent, le plus cultivé, le plus charmant, mignon, sage et perspicace. Dans la bouche de nos ministres, les adjectifs qualificatifs manquent pour décrire la magnificence de Bouteflika, dernier des compagnons du Prophète Muhammed (QSSSL), à en croire nos ministres et serviteurs fidèles du palais d’El Mouradia. Oui, le spectacle est à ce point tragique et si vous n’êtes pas encore convaincus, revisionnez la vidéo où l’on voit notre belle et gracieuse ministre de la Culture danser comme un Michel Jackson du désert pour célébrer un hypothétique et très probable 4ème mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Lors d’un déplacement récent du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, dans la wilaya de Biskra, notre chère ministre a tenté de communier avec la foule curieuse, présente pour assister au passage du convoi ministériel, en orchestrant une danse très chaleureuse tout en s ‘écriant favorablement au 4ème mandat de Bouteflika.
La voilà, la culture dans toute sa splendeur en Algérie. C’est ainsi qu’on construit et élabore des politiques culturelles savantes et brillantes. Après la danse du ventre, Khalida Toumi a inventé la danse du 4ème mandat ! Qui l’eût cru ? Au moment où des régions entières en Algérie ne disposent d’une bibliothèque publique ni d’une libraire digne de ce nom, notre ministre danse et pousse des cris de joie pour son président, qui la conserve à la tête du département de la culture depuis des années. Le bilan de sa gouvernance est-il aussi prestigieux que cela pour mériter une danse aussi joyeuse ? Certainement pas. Une ministre doit-elle danser publiquement pour soutenir la candidature à l’élection présidentielle d’un homme, oui un simple homme, en dépit des qualités divines, que lui trouvent ses partisans, fût-il le Président de la République ? En Algérie, on ne se pose même pas cette question au regard de l’ampleur inquiétante de l’absurde et du comique dans nos institutions les plus éminentes. Certes, la danse du 4ème mandat ne séduit pas autant que la danse du ventre. Mais elle a au moins le mérite de révéler l’extraordinaire effritement du bon sens chez nos élites dirigeantes.