Ben Badis: L’islam digne et sans ostentation

Redaction

J’ai regardé sur un network, l’autre soir, des images en noir et blanc datant de 1940, filmées à Constantine, à l’occasion des funérailles de Cheikh Ben Badis. Vingt mille personnes, dans un recueillement impressionnant, loin de l’hystérie à laquelle on s’est habitué aujourd’hui. Loin de la surenchère dans les hurlements, les cris, les menaces de vengeance ou je ne sais quelles représailles contre le destin ou contre je ne sais qui. De la dignité dans la marche en silence. De la dignité dans le geste rare et le recueillement.

Quand on accompagne un homme de foi à sa dernière demeure, on le fait dans la sérénité et dans la prière rentrée

On y voit des milliers d’hommes en burnous blanc; on perçoit difficilement les visages, mais on devine les gestes graves et la tristesse du cortège qui avance d’un pas lent. Pas un débordement, pas un calicot, pas un slogan, pas un drapeau. On n’y voit ni deuil, ni désespoir. Visiblement, on accepte le destin puisque telle est la volonté de Dieu. Le chagrin c’est pour plus tard, quand on rentrera seul à la maison, sans l’ami qui vous manque déjà, sans le maître qu’on avait cru immortel, et sans le sage qu’on savait plus proche de Dieu.

C’est peut-être ce qui nous manquera le plus aujourd’hui. Non pas l’ami, le frère ou le père soudain disparu, puisque nous sommes préparés à l’inéluctable qui arrivera à son heure, quand le Maître du temps l’aura décidé. Mais comment faire face au malheur quand on ne nous a pas appris à rechercher en nous le sens de la dignité et la sobriété dans les larmes et la tristesse ? Cela, personne ne nous l’a appris. La télévision ; puisque c’est le principal éducateur des foules aujourd’hui, nous a habitués à voir en pays d’islam, des hommes et des femmes se griffer au sang, perdre connaissance, s’étrangler de douleur et de désespoir, comme si cela pouvait ramener la vie, comme pour refuser la volonté divine, comme pour blasphémer en quelque sorte.

Refuser la volonté de Dieu, n’est-ce pas s’opposer à Lui, n’est-ce pas blasphémer ?

Quand viendra enfin le jour où nous retrouverons nos esprits, où nous reviendrons au message coranique et à cet islam qui nous a toujours aidés à transcender le malheur et la tristesse, à nous aimer les uns les autres et à voir en chaque homme et en chaque femme, une créature de Dieu et donc un ami ?

A oublier ce terrible cauchemar qui est entré dans nos vies, dans nos maisons et dans nos écoles et qui s’est grimé d’islam? Et ces regards noirs, dans des accoutrements noirs qui hantent notre quotidien, et qui parlent d’islam?

Et cette haine qui nous habite à petit feu, qui nous ronge chaque jour un peu plus et qui nous fait désespérer du lendemain, dans un pays où on ne sait plus marcher dans la rue, où on entre dans une mosquée comme pour une garde à vue et où ne prend même plus le temps de regarder les étoiles.

Quand redeviendrons-nous musulmans, comme nos parents l’ont été, comme nous aurions toujours dû le rester, comme l’ont enseigné Cheikh Ben Badis et tant d’autres de nos oulémas à nos parents, sans jamais abdiquer un pouce de notre liberté ?

Quand apprendrons-nous la fraternité ; celle qui nous unit dans le bonheur ou le malheur, aux hommes et aux femmes qui croient ou qui ne croient pas, qui ne parlent pas comme nous, qui ne s’habillent pas comme nous et qui ne prient pas comme nous ?

Peut-être dès demain, si nous voulons vraiment sauver nos âmes et sauver nos enfants.

Aziz Benyahia

 

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