Il s’appelle Hugo Broos. En 2014, cet entraîneur belge a été qualifié de « malade mental », d' »incompétent » et de « nul » par Mohand Chérif Hannachi, président de la J.S de Kabylie. Sa réputation a été atteinte. En 2017, le « nul », « l’incompétent » mène la sélection du Cameroun sur le trône de l’Afrique après avoir gagné la CAN au Gabon, après un match épique contre l’Egypte.
« Incompétent » en l’Algérie, mais brillant et conquérant lorsqu’il prend les commandes du Cameroun, l’incroyable histoire de Hugo Broos illustre à merveille le sort réservé aux travailleurs, aux brillants et aux ambitieux dans notre pays. Ils sont cassés, brisés, et diabolisés. Mais dés qu’ils sortent de notre pays et relèvent de nouveaux challenges à l’étranger, ils deviennent célèbres, adorés et célébrés pour leurs succès. Hugo Broos n’est guère un cas isolé. Bien avant-lui, en 2011, Hervé Renard, le jeune entraîneur français, préside aux destinées du club algérois l’USMA. Après avoir affronté toutes les difficultés possibles et imaginables en Algérie, il décide d’aller en Zambie, sous des cieux plus cléments où sa compétence est susceptible d’être mieux considérée. Et le résultat est édifiant : l’année suivante, en 2012, il gagne la Coupe d’Afrique des Nations avec la Zambie. Trois ans plus tard, en 2015, il s’assoit à nouveau sur le trône de l’Afrique avec la Côte d’Ivoire. En Algérie, comme le veut la sacro-sainte tradition, les esprits sinistres ont douté de lui, critiqué son parcours et semé des embûches partout où il passait.
La liste des gens dont le travail a été saboté en Algérie alors qu’ils ont brillamment réussi à l’étranger ne se limite pas au football. Dans tous les domaines, nous retrouvons des cadres et des matières grises méprisées dans notre pays et choyées ailleurs. Prenons le cas de l’homme d’affaires Isaad Rebrab, dont les projets sont continuellement bloqués par les autorités pour des raisons que personne n’arrive à comprendre. A l’étranger, il est reçu par les chefs d’Etat du Soudan, du Sri Lanka et du Brésil où ses affaires marchent comme sur des roulettes. Dans ces pays, il est soutenu, favorisé et encouragé.
Idem pour Kamel Daoud, le talentueux écrivain, qui a failli décrocher l’un des prix littéraires les plus prestigieux du monde francophone, alors que dans son pays, on le gratifie d’une fatwa appelant à sa mort. Yasmina Khadra, un autre écrivain dont les livres sont traduits dans plusieurs langues et diffusés dans le monde entier a été écarté de la dernière édition du Salon du livre et quelques-uns de ses collègues, agissant dans une certaine presse, l’accablent par tous les noms d’oiseaux.
Il faut un livre de la taille d’une encyclopédie pour évoquer tous les cas de ces chercheurs, médecins, ingénieurs et génies qui font le bonheur des universités européennes ou nord-américaines, mais qui demeurent méconnus et ignorés par les autorités de leur pays natal. Même destin pour de nombreuses personnalités qui ont consacré leur vie pour notre pays et sa liberté. En somme, la réussite est une vertu que les Algériens abhorrent. L’être brillant est vilipendé, marginalisé parce qu’il ne correspond pas à la norme collective, celle de l’assistanat, de la paresse et de la malhonnêteté, sert de boussole dans les rapports sociaux. Il faut que cette mentalité destructrice change un jour. Il y va de l’avenir du pays.