Découpage : la wilaya Haddad, la wilaya Chemsou, la wilaya Gourcuff, la wilaya Ooredoo Par Kamel DAOUD

Redaction

kamel daoud

In Salah, la solitude. De si loin, c’est à dire du Nord, on comprend à peine ce qui s’y passe. Le régime traite la question à la manière De Gaulle : plan de Constantine, Bataille d’Alger, négociations parallèles, menaces et harkisme. Au Nord, on est piégé dans le nouveau découpage territorial. Un : la wilaya autonome d’Alger. Entre El Mouradia et El Mouradia.

Cercle premier du régime carré. Entre trois hommes, un homme d’affaires et une chaine TV de relais. Puis viens la wilaya Ennahar/Echourouk : gouverné Par Cheikh Chemssou et le chef daïra national Belahmer. Petit califat bigot où on parle de sorcellerie, de zaouias et ses djinns, de sorts, sexe, imams, fatwa et délinquance et séismes. Petiote république des bas quartiers du Caire ; prières, virements, augmentations, femmes, sexe et stérilité. Marutti, hidjab et AADL. Ensuite ? La wilaya football. Composé d’un state, un slogan et de vivats. La wilaya foot est située entre le café du coin et l’Espagne. La main étrangère y est tolérée parce qu’elle est un pied. Le but y est le filet, pas le poisson. C’est la seule wilaya algérienne qui peut avoir pour président un Français, un Bosniaque ou un Saâdane.

Vient ensuite la wilaya Haddad avec quatre wilayas et quelques ministres et la wilaya des opérateurs téléphoniques et leur règle de pub et leur mentalité Qatar. Dans la nouvelle carte, In Salah est loin, c’est un point, c’est un coin. Pas de lien. Les Algériens ne se sentent pas unis les uns aux autres. On peut creuser un enfer à In Salah, personne ne se souciera au nord. Le lien national n’existe plus depuis des années. Chacun doit défendre ses intérêts selon ses urgences. Ce qui nous unit, c’est le drapeau, pas la peau.

En réalité, si le Sud bouge c’est parce qu’il est encore vivant, pas encore tué. La distance l’a préservé de la mise à mort par la « naharisation ». Il est encore protégé par d’antiques structures traditionnelles, des relais, des hiérarchies que la décennie 90 n’a pas atomisé. Au Sud, un habitant peut parler de ses droits, gaz de schiste, avenir et emploi. Au Nord, l’Algérien lobotomisé parle de fatwa, prière, départ. Le pire, dira un ami au chroniqueur, n’est pas l’existence et le propos de Cheikh Chemssou et d’Ennahar, mais dans autre chose : les questions qu’on leur pose. Les questionneurs en foule, complètement hallucinés par leurs névroses et tics. C’est là qu’on lit le pire, le drame, la dégringolade. D’un peuple qui interroge le monde sur la liberté, on est passé à un peuple qui demande si lécher une glace est hallal pour une femme non mariée. C’est donc au Sud que devrait migrer les partis de l’opposition. Y installer QG et secrétariats. C’est là qu’est le pays encore éveillé, capable de bouger, cerner, menacer et peser ; au Nord, c’est la mort! Cap sur le Sahara pour peuple l’Algérie. Slogan de mobilisation. Le Sud est désormais le lieu vivant de notre pays, le seul encore encore conscient. Réveillé.

Le dossier du gaz schiste est flou à nos yeux au nord. Mais ce qui est net et visible et clair, c’est notre indifférence fascinante.

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