Du faux Viagra pour des faux dirigeants Par Abdou Semmar

Redaction

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La contrefaçon touche à tout en Algérie. Une démocratie de contrefaçon, une gouvernance de contrefaçon, des promesses d’un lendemain enchanteur de contrefaçon. Des plans de relance de l’économie de contrefaçon. Le marché informel s’est étendu depuis de années à la sphère politique et, désormais, intime et sexuelle !

Non, ce n’est pas moi, le salaud qui bosse soi-disant pour le Qatar et l’Otan qui fait cette étonnante découverte, mais c’est bel et bien notre glorieuse gendarmerie nationale. Les brigades de celles-ci ont mis la main cette semaine sur plus de 33 000 comprimés de médicaments stimulant l’appétit sexuel. «Un trésor de guerre sexuel» qui a été découvert dans une camionnette à Oued Souf, au sud-est du pays. Des centaines de plaquettes de Viagra ont été saisies. Les gendarmes, ahuris, ont conclu qu’il s’agit d’un réseau de revendeurs qui déversent dans le secteur informel des médicaments contrefaits ou périmés. Mais soyons sérieux, la boîte de 4 cachets de Viagra peut coûter jusqu’à 72€ en Europe ! Qui est cet Algérien qui peut s’offrir un tel médicament à un prix aussi exorbitant ?

Le Zawali qui fantasme sur sa voisine jour et nuit ? Le salarié qui fantasme sur la fille de son patron matin et soir ? Le fellah qui rêve la nuit de la banquière rencontrée dans une agence de la BADR ?  Cette marchandise dont la valeur peut atteindre, selon nos estimations, pas moins de 500 mille euros ne pourrait être destinée à ces dellalate fréquentées par nos miséreux en quête d’une chaussure ou d’un pantalon cédés à des prix flirtant avec la gratuité. Comme les drogues dures très prisées par certains magnats des affaires et les habitués des night-clubs chics d’Alger, ces Viagra, ou faux Viagra, ou Viagra périmés, peu importe, trouvent leurs clients dans certaines hautes sphères auxquelles la morale conservatrice de nos pieux islamistes ne s’attaque jamais. Dans un pays où tout est faux et où les fausses apparences dirigent les regards, même une trompeuse libido sexuelle se vend et s’achète pour donner l’illusion aux puissants de ce régime totalitaire et de cette société inégalitaire que leur virilité est au-dessus de tout soupçon. La puissance politique imaginaire façonnée par nos dirigeants suscite finalement une obsession pour la puissance sexuelle.

Les Algériens, ce peuple si viril, si libidinal, peut supporter la corruption, oublier la répression des libertés publiques et pardonner la confiscation de la légitimité politique, mais avoir au sommet de son Etat des «impuissants sexuels», ah ! Mon Dieu, ce n’est pas possible ! Il faut donc prouver chaque soir à sa femme, ou maîtresse, que l’on est vraiment à la hauteur du nif algérien ! Dur, dur de voyager jusqu’au septième ciel lorsqu’on passe sa journée à exiger aux pauvres citoyens des pots-de-vin.

Bon, comment devenir sérieux lorsque l’actualité algérienne nous délivre une telle information aussi effarante. On est quand même pas foutu de vendre et de distribuer du Viagra conforme aux normes internationales. On est quand même pas foutu de réussir à importer du bon Viagra. Même pas foutu d’empêcher des mafieux d’inonder notre pays avec des médicaments périmés. Le délire est total lorsqu’on sait que nous sommes le pays qui exporte la «Radjla» dans le monde entier pour ensuite tout importer y compris des faux Viagra. Allez, je m’arrête là… J’ai suffisamment déconné jusque-là. Mais je vais vous dire une seule et unique chose : les faux dirigeants ne méritent… que des faux Viagra. Justice est faite.