Dites-nous ce que vous faites de notre argent Par Abdou Semmar

Redaction

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La sinistrose et le fatalisme, voici les deux immenses tricheries avec lesquelles le régime algérien veut endormir les Algériens. Tout est fait pour nous faire croire que les problèmes politiques de notre pays sont insolubles. Tout est orchestré pour nous expliquer que les problèmes économiques sont incompréhensibles.

Noircir le tableau, diffuser le pessimisme, complexifier le réel, le rendre inaccessible, décréter des lois clandestinement, écarter toute pédagogie dans le débat public, promouvoir des élus et représentants incompétents, les obstacles dressés en Algérie pour empêcher l’accès à la citoyenneté sont innombrables. Et ce constat amer devient très significatif lorsqu’on aborde la question de la gestion de la dépense publique en Algérie.

Très peu de nos concitoyens connaissent réellement les tenants et aboutissants des budgets dépensés par notre Etat. Très peu d’Algériens connaissent vraiment les dessous de ces dépenses faramineuses qui sont décidées soit-disant en leur nom. «L’argent public n’existe pas, il n’y a que l’argent des contribuables», disait Margaret Thatcher. En 2015, le mot contribuable n’existe même pas. Personne ne se sent contribuable dans ce pays. Personne ne comprend même comment on peut être un «contribuable» dans un pays où l’argent public est utilisé sans aucune consultation populaire ou citoyenne. L’Algérien se sent presque comme un étranger dans son propre pays lorsqu’on parle argent, investissement ou dépense publique. Et, pourtant, cet État utilise notre argent. Oui, c’est notre argent. C’est notre argent. Des milliards par-ci, des milliards par-là, notre argent se balade d’une caisse à une autre, d’un fonds à un autre, d’un mégaprojet à un autre, sans que personne ne daigne nous demander notre avis !

Aussi dangereuse que la répression des libertés publiques, la gestion opaque de l’argent public empêche un pays de se développer. La répartition inéquitable de cet argent engendre frustration, injustices et précarité. En 2015, dans un pays jeune comme l’Algérie, le budget des moujdahidine ne cesse d’augmenter, alors que nos valeureux moudjahidine meurent de vieillesse, 53 ans après notre Indépendance. Où partent ces milliards que l’État rajoute chaque année aux moudjahidine ? Pas moins de 2,5 milliards de dollars sont accordés à un ministère dont le fonctionnement cause plus que jamais problème au regard du manque de transparence qui le caractérise. Le même constat est à dresser pour le secteur de l’agriculture qui a bénéficié aussi en 2015 d’un budget de 2,5 milliards de dollars pour booster notre développement agricole. Des milliards sont donnés en crédits et en divers investissements. Mais où est la rentabilité de tout cet argent, notre argent aussi, alors que nous importons plus de 6 milliards de dollars de produits alimentaires ?

En 2015, notre éducation nationale a bénéficié d’un immense budget de 7,4 milliards de dollars. Mais nos  9 millions d’élèves ont-ils profité de tout cet argent ? Eux qui étudient encore dans des écoles où les salles manquent de chauffage, de mobilier scolaire et d’enseignants. A titre de comparaison, l’Égypte, avec 20 millions d’élèves, dépense 6,3 milliards d’euros. L’Algérie ne manque donc pas d’argent. Elle le prouve chaque année, chaque jour. Mais pour quels résultats ? Le débat est à ce niveau. Il n’y aura point de développement, si aucun d’entre nous ne développe une vision critique de la dépense publique. Il n’y aura point de développement, si les Algériens ne se réapproprient pas leurs richesses nationales. Il n’y aura point de développement, si les Algériens cessent d’être de simples sujets, des consommateurs pour devenir enfin des contribuables conscients et responsables. Il n’y aura point de développement, si les Algériens n’apprennent pas à demander des comptes à leurs autorités qui utilisent leur argent. Leur argent parce qu’il provient des richesses de notre sous-sol. Notre argent parce que nous payons des impôts. Notre argent parce qu’il vient des caisses de notre pays à nous tous. Le jour est venu pour qu’ils nous disent ce qu’ils sont en train de faire enfin avec notre argent…