Est-ce le fait du hasard ? Au moment où en France on débat de la fessée donnée aux enfants, en Algérie on légifère sur la correction donnée aux femmes. La France est rappelée à l’ordre par l’Europe pour ne pas avoir interdit par la loi, la fessée que certains parents donnent encore aux enfants. L’Algérie vient de voter à l’arraché une loi reconnaissant la violence faite aux femmes et réprimant les maris cogneurs. C’est mieux qu’en Arabie Saoudite, non ?
En France, ceux qui sont pour la fessée avancent des arguments de pédagogie au service de l’enfant dans les cas de mauvaises notes ou de mauvaise conduite. En Algérie, les maris avancent, eux aussi, les mêmes raisons de pédagogie. Dans les deux cas on reste dans le monde de l’enfance. Double peine donc pour la femme algérienne : battue et infantilisée, dut-elle être plus lettrée, plus éduquée, plus cultivée que ce qui lui sert de mari. Une brute épaisse et ignare pouvait, hier encore, tabasser sa femme professeur à l’université ou illettrée, peu importe ! C’est une femme, c’est l’imam qui l’a dit. Des femmes députées sont de son avis et sont pour la polygamie ( ? ).
A priori, on tient là toutes les raisons de nous réjouir puisque la loi va mettre un terme à ces pratiques d’un autre âge. Pour ce qui concerne nos enfants, on verra plus tard ; les ceintures ont encore de belles années devant elles.
Mais ne nous réjouissons pas trop vite. Un codicille est venu se glisser subrepticement dans les nouvelles dispositions de la future loi. La plainte de la femme pour coups et blessures pourra être retirée sur une simple déclaration de pardon formulée du bout des lèvres par le cogneur soudain pris de remords et acceptée par la victime, faute d’autre choix. Par ailleurs, rien n’exclut que la femme battue, s’estimant heureuse de ne pas y avoir laissé un œil ou sa peau, pourrait faire acte de contrition, déclarer aux représentants de la loi qu’elle regrette d’avoir mal interprété les bonnes intentions de son mari qui voulait à sa manière la remettre sur le droit chemin et qu’elle lui demande pardon de lui avoir prêté de mauvaises intentions. La plainte tomberait d’elle-même et il faudrait être de mauvaise foi pour imaginer on ne sait quelles manœuvres de chantage et de menaces qui auraient été ourdies par le mari pour extorquer cet aveu de pardon en public.
Le débat n’est pas prêt de se terminer chez nous, les avocats se frottent déjà les mains, et on prévoit des embouteillages dans les tribunaux. Il sera certainement demandé à la victime de prouver qu’elle ne s’est pas cognée volontairement la tête contre la cuisinière, qu’elle ne s’est pas auto-flagellée après avoir arraché violemment la ceinture du pantalon de son mari qui avait tout fait pour l’en empêcher, et qu’elle ne s’est pas brisé la mâchoire en voulant ouvrir une boîte de conserves avec les dents. Et ce n’est pas l’avis contraire du certificat médical établi par une femme médecin qui viendra faire douter de la duperie de la plaignante ; monsieur le Président.
Reste une solution qui pourrait éventuellement calmer le jeu momentanément : Interdire les coups violents, mais autoriser la fessée. Cela vaudrait moratoire dans un premier temps. Le mari pourrait donc donner la fessée à sa femme. Mais dans ce cas, on aurait affaire à un problème d’un autre ordre. En cas de fessée jusqu’au sang, administrée par un molosse à coup de boucle de ceinturon, comment exhiber devant la cour les preuves du délit dans un monde où montrer la main non gantée d’une femme en niqab, peut valoir malédiction ; celle des hommes, bien entendu. Sans oublier que pour avoir montré son derrière en public et déshonoré le mari, la victime risquerait à coup sûr, au retour à la maison, une double ration de violente fessée. Vous comprenez, monsieur le Président? Elle m’a manqué ; dira-t-il.
Aziz Benyahia