L’Education Religieuse résumée en une image !

Redaction

Une photo circulant actuellement sur le Net obtient un franc succès largement partagé sur les réseaux sociaux. Elle montre la prière du vendredi dans une rue en Algérie. Pas de quoi s’indigner particulièrement. On est chez nous après tout, on organise nos prières en famille. Charbonnier est maître chez soi. Ce sont nos affaires et on se dit que ma foi, plus il y a de musulmans qui prient et mieux on s’éloigne du mal, du vice et de la tentation. En revanche, là où ça fait désordre, c’est qu’on n’est pas dans les clous pour ainsi dire et que l’alignement des prieurs suit les ondulations du bitume, y compris à angle droit plutôt que de garder le seul axe de la Qaâba, c’est à dire la ligne droite.

Concernant la photo, à première vue on est sceptique. On pense tout de suite à un photomontage. Et puis, devant l’intérêt qu’elle suscite sur les réseaux, on se ravise. Et enfin, passés les premiers moments de rire, on se sent moins bien; on n’est pas très à l’aise. On a mal parce qu’on se dit que trop c’est trop et qu’on ne va pas encore crier à l’islamophobie et au racisme. Il faut admettre qu’on est dans le registre du ridicule et qu’on ne peut pas empêcher les gens de rire à nos dépens en même temps qu’on les alimente régulièrement d’images ou de situations loufoques.

La terre entière sait que les musulmans prient en direction de La Mecque sauf apparemment, les hommes qu’on voit sur la photo. On se demande alors qu’est ce qui fait que chez nous, on prend des libertés avec la boussole ? On peut émettre des hypothèses en l’absence d’explication rationnelle. On a le choix entre l’excès de religiosité, le paroxysme méditatif, le recueillement hors normes ou l’ignorance pitoyable. Quelle que soit l’explication, on doit le dire tout de go : cette prière-là a très peu de chance d’être valable, sauf pour les derniers retardataires, qui ont loupé le prêche, qui ne sont pas du quartier et qui ont foncé tête baissée derrière le dernier rang, pour ne rien rater de la prière collective. Cela fait beaucoup de circonstances non atténuantes qui donnent une idée de la piètre formation religieuse de nos ouailles. C’est l’illustration éloquente du panurgisme. Et comme la plupart des fidèles sur la photo sont relativement jeunes – les vieux ne sont jamais en retard à la mosquée – on ne peut s’empêcher de conclure que leur éducation religieuse est tout à fait récente et qu’elle est une des conséquences directes de l’importation d’un « nouvel islam » et de l’influence des nouveaux prédicateurs. Inutile d’évoquer  un « new age » local ou on ne sait quel nouveau syncrétisme. La seule explication qui vaille c’est qu’on a affaire à une ignorance impardonnable dont les fidèles sont plus victimes que coupables.

Les hommes qu’on voit sur la photo sont certainement de braves gens qui ne tiennent pas à manquer une prière hebdomadaire quasi canonique, qui représente pour certains et pour des raisons diverses,  l’une des rares occasions de participer à une prière collective. Dans l’ensemble, leur éducation religieuse se résume à ce qu’ils peuvent comprendre et retenir du sermon de l’imam et des discours des nouveaux prédicateurs. Pour eux, prier collectivement, c’est prendre sa place à côté du fidèle, sans trop se poser de questions. Faire comme les autres, surveiller l’alignement des orteils des voisins et le parallélisme des rangées de prieurs, plutôt que chercher la concentration et le recueillement. C’est ce qu’on leur a appris et ils n’ont d’autre choix que de se contenter de ces recommandations grotesques  tant qu’on continue à les laisser en tête à tête avec des imposteurs et des ignares censés s’occuper de leur éducation religieuse.

Considérant que la religion a sa part de mystère et qu’elle est accessible seulement aux plus lettrés d’entre eux, ou aux moins ignares, ils posent des questions binaires et reçoivent des réponses binaires. La religion, c’est un domaine mystérieux et inaccessible pour eux, au point qu’ils ne peuvent faire la distinction entre l’essentiel et le superflu, l’accessoire et l’indispensable; entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Ils gobent avec une naïveté confondante et une candeur touchante tout ce que leur racontent les « imams » ou leurs bedeaux. Ils sont donc victimes et certainement pas coupables. Victimes de l’ignorance et de la suffisance des autres; de ceux qui les prennent de haut et qui les tiennent à distance pour mieux les dominer.

Cette photo doit nous interpeller pour plusieurs raisons, dont la moindre n’est pas seulement l’image ridicule qu’elle renvoie des musulmans et des Algériens. Elle donne le vertige à l’idée que ces hommes qu’on voit prier de travers, vont être en partie responsables de l’éducation religieuse de leurs enfants. L’autre raison, c’est la nécessité d’envoyer un signe à nos responsables pour les rappeler à leur responsabilité en matière d’éducation en général, et d’éducation religieuse en particulier. Une remise en ordre est plus que jamais nécessaire. Le ministre des Affaires Religieuses a déjà déclaré qu’il était non seulement au courant de toutes ces difficultés, mais qu’il avait inscrit dans l’ordre des urgences, la formation des imams et la mise à l’écart de ceux qui n’ont aucune légitimité spirituelle, ni la compétence pour se mêler de religion. C’est une tâche collective. Chacun doit y prendre sa part car il s’agit de l’avenir de nos enfants.

Aziz Benyahia