Par Hassan Haddouche
Début 2015, ça ne va pas très fort. Sur le front économique, (sans parler du reste) ,les mauvaises nouvelles s’accumulent et le moral d’un peu tout le monde est en berne.
Il faut dire qu’il y a de quoi .Essayons de résumer la situation. Il y a encore six mois , les experts algériens les plus pessimistes , les Benbitour, les Hadj Nacer, les Lamiri, les Mebtoul , les gens de Nabni , etc… , ces espèces d’oiseaux de mauvais augure qui « se prennent pour Nostradamus » (ainsi que je l’ai lu quelquefois dans des commentaires publiés sur Internet et sur ce site lui-même ) nous annonçaient en chœur que la situation financière de notre pays allait se dégrader ; à partir de 2017-2018 pour le budget de l’Etat et vers le milieu de la prochaine décennie pour le financement de nos importations .Ces empêcheurs de tourner en rond et de dépenser tranquillement la rente pétrolière ont même sans doute réussi l’exploit de nous gâcher les dernières années d’insouciance qui nous restaient .
La mauvaise « surprise » du prix du baril
D’ailleurs, ils se sont tous trompés .En économistes tétus, ils avaient juste calculé qu’on ne pouvait pas continuer à dépenser plus que ce que rapportaient nos recettes courantes et donc que nos marges de manoeuvre budgétaires et financières se heurteraient à un double mur ; respectivement vers 2017 pour le budget de l’Etat et vers 2024 pour les réserves de change. La vérité , c’est que nos Cassandre nationaux, accusés par le gouvernement de répandre la sinistrose et de s’attaquer au moral de la Nation, étaient encore ….trop optimistes .En comptables circonspects , ils n’ont pas voulu noircir le tableau et envisager l’hypothèse (pourtant parfaitement plausible et évoquée depuis déjà plusieurs années en raison notamment de l’augmentation programmée de la production de gaz de schiste aux Etats unis) , d’un possible effondrement des cours pétroliers .
Début 2015 , on est en plein dedans. Le prix du baril chute à des niveaux qu’on pensait oubliés pour toujours . On se demande, en observant avec stupéfaction la courbe de ce plongeon vertigineux ,ou s’arrêtera la chute de l’ « or noir » .Le résultat le plus clair de ces nouveaux développements , c’est que la perspective de gros ennuis financiers se rapproche dangereusement .Pour le budget de l’Etat , ça ira encore en 2015 mais si les prix pétroliers restent ce qu’ils sont , on ne voit pas très bien comment l’Etat algérien pourra boucler son budget dès l’année prochaine .Pour le financement de nos importations et la diversification de notre commerce extérieur , on pensait qu’on avait encore une petite « fenêtre » d’une dizaine d’année .Finalement la « décennie de la dernière chance » risque fort de ne durer qu’ à peine 5 ou 6 ans ;le temps d’épuiser le matelas de réserves de change constitué depuis une quinzaine d’années .
« Politique de l’autruche » .
Ce qui est intéressant , c’est quand même ,dans ces circonstances, d’observer les réactions des uns et des autres et de constater que la plupart du temps elles sont malheureusement encore très loin d’être à la mesure des difficultés qui nous attendent .Juste deux exemples . Le président de la République a signé , le 30 décembre dernier , une loi de finances pour 2015 qui prévoit une hausse des dépenses de plus de 15 % et table sur un déficit annuel supérieur à 50 milliards de dollars .Il s’est dit convaincu à cette occasion que le pays « traversera sans difficulté majeure les graves perturbations que connaît le marché international des hydrocarbures ». Est ce qu’on a déjà rencontré un meilleur exemple de la « politique de l’autruche » ?
Une « loi de finances bis »
Soyons justes , une semaine avant la signature de la loi de finance , un conseil des ministres restreint présidé également par le président de la République, avait justement été consacré aux « développements enregistrés par le marché pétrolier international et leurs retombées sur la démarche économique et sociale du pays ».Pour gérer une situation économique et financière qualifiée de « difficile », le gouvernement algérien a décidé une première batterie de mesures dont le gel des recrutements dans la Fonction publique, le report des grands projets dont le caractère n’est pas urgent et des restrictions sur les dépenses de fonctionnement des administrations et institutions publiques. Le 25 décembre, le Premier ministre a enjoint les ministres, les walis et le directeur général de la Fonction publique de « geler tout nouveau recrutement dans la fonction publique sauf dans la limite des postes budgétaires disponibles » .Le chef du gouvernement algérien leur a également recommandé de « maîtriser » le coût des actions de représentations (déplacement officiels, rencontres et cérémonies publiques) et de hiérarchiser les nouveaux projets. Toujours rassurant, M.Sellal a estimé que ces mesures s’inscrivent dans le cadre de «la bonne gouvernance et du bon fonctionnement des administrations» assurant qu’elles n’ « affecteront ni le développement économique ni le niveau de vie des citoyens ».Ce que le premier ministre ne dit pas c’est que ces mesures , à caractère largement conservatoire, ne sont absolument pas au niveau des problèmes que les finances de l’Etat vont rencontrer dans les années à venir .Il faut se préparer d’abord à une « grosse » loi de finance complémentaire avant l’été. Cette dernière ne sera, elle-même qu’un avant goût de ce que seront les vrais budgets d’austérité des prochaines années .Il vaut peut être mieux savoir ce qui nous attends ?
Bonne année 2015 quand même.
Hassan Haddouche