En Algérie, on aime les supporters, mais pas les citoyens. Les supporters, le président de la République, les écoute, prend en considération leurs revendications et leurs doléances. Les citoyens, personne ne s’en soucie. Oui, ces citoyens, ils ont beau demander une distribution équitable des logements, une justice sociale ou la fin de la corruption, aucun responsable ne répond à leurs cris.
Mais les supporters, il suffit qu’ils balancent une pétition sur internet pour réclamer le maintien d’un entraineur dans son poste, et c’est le Chef de l’Etat en personne qui parle au JT de 20 H ! Les supporters, on les laisse manifester, se rassembler, danser et chanter dans les rues. Les Citoyens, on les bastonne, réprime et embarque au commissariat à la moindre action de protestation pacifique.
Il ne faut pas comparer l’incomparable ! J’entends d’ici cette critique acerbe de mes détracteurs. Mais soyons sérieux ! Un pays est censé être habité par des citoyens avant d’abriter des supporters. Et quand un Président de la République se réveille de son mutisme impressionnant pour satisfaire la volonté populaire des supporters et ordonne à la télévision le maintien d’un coach et ne pipe mot lorsque la même rue réclame la vérité sur les nombreux scandales de détournements de deniers publics, c’est qu’il y a vraiment anguille sous roche. Non, pis encore, cette attitude est un mépris suprême pour l’intelligence et la dignité de tout un peuple.
L’Algérie est redevenue joyeuse grâce au football. Mais elle ne vit pas, elle ne prospère pas, elle ne se développe pas grâce au Football. L’Algérie aime Vahid Halilhodzic. Mais l’Algérie aime aussi l’Etat de droit. L’Algérie veut le maintien de caoch Vahid. Mais l’Algérie veut aussi l’alternance au pouvoir. C’est vrai, les internautes algériens ont signé massivement une pétition demandant de reconduire dans ses fonctions l’entraineur de l’équipe nationale. Mais les Algériens ont aussi signé massivement des pétitions demandant la mise en examen de Chakib Khelil, Amar Ghoul, et d’autres ministres qui ont été publiquement cités dans des scandales de corruption.
Ils ont aussi massivement adhéré à des pétitions réclamant l’arrêt de l’exploitation du gaz de schiste, la destruction des sites naturels ou le népotisme dans les nominations des cadres de l’Etat. Mais ces Algériens sont d’abord des citoyens avant d’être des supporters. Et par conséquent, leurs voix ne valent rien. Ou, pire encore, leurs voix sont dangereuses car elles sont porteuses d’une soif de liberté et de démocratie.