« La richesse amassée est un fumier puant ; la richesse répandue est un engrais fertile », dit un célèbre proverbe anglais. Un proverbe qui résume bien la situation de notre pays, où la répartition de la richesse nationale alimente un débat aussi vieux que le monde.
Un débat qui n’en finit jamais. La population crie au scandale et réclame sa part du gâteau du pétrole et du gaz. L’État riposte en jurant qu’il finance les transferts sociaux et subventionne tout et rien pour permettre aux Algériens de vivre dignement. Sauf qu’en 2014, les Algériens ne veulent plus vivre dignement, mais aisément. La nuance est de taille et suffit pour comprendre le décalage qui existe entre nos gouvernants et nos concitoyens.
Les gouvernants sont restés bloqués dans les années 80. Ils pensent qu’une population est heureuse dès lors qu’on lui vend du pain et du lait à un prix abordable. Ils pensent qu’une société est épanouie dès lors qu’on subventionne le prix de la farine importée et du diesel écoulé dans nos stations-service. Ils croient qu’un pays est maintenu dans la tranquillité dès lors qu’on alimente les foyers en gaz et électricité à des prix très réduits. Mais non, les Algériens ont évolué, messieurs les dirigeants.
L’Algérien veut aujourd’hui travailler, créer de la richesse, bâtir des maisons, monter des entreprises, gagner sa vie, pour s’offrir des smartphones, des voyages à l’étranger, des voitures neuves, des études de qualité et des prestations de santé conformes aux standards internationaux. L’Algérien des années 2010 ne veut pas vivre que de pain, de lait et d’essence. L’Algérien des années 2010 veut un logement spacieux et non un F3 exigu dépourvu de toute commodité.
L’Algérien des années 2010 ne résume pas son bonheur à la farine et au gaz de ville. Il voit plus loin que le bout de son ventre. Il essaie en tout cas. Mais il se heurte à une économie archaïque où les banques conservent chaudement l’argent dans leurs caisses au lieu d’investir dans des projets économiques structurants et productifs. En 2011, un rapport de la Banque d’Algérie avait révélé qu’il y avait au moins 50 milliards de dollars de surliquidités dans nos banques publiques ! Pourtant, lorsqu’un chef d’entreprise demande un crédit pour créer de l’emploi et des richesses, il est refoulé et méprisé par une bureaucratie unique en son genre à travers le monde.
Certes, depuis 2011, des efforts ont été consentis. Mais la qualité de vie des Algériens n’a pas changé d’un iota. L’État reste le premier et le seul investisseur, et détient tous les gros projets. Il construit la Grande Mosquée d’Alger et laisse ses jeunes tourner en rond en quête d’un centre de loisir digne de ce nom.
Les Algériens savent tous que leur pays est riche. Ils savent aussi que leur État dépense beaucoup d’argent pour subventionner des produits de première nécessité. Mais beaucoup d’entre eux préfèrent que cet argent serve à financer des projets pour que des Algériens puissent eux-mêmes cultiver et produire tous ces aliments que nous importons. Les Algériens sont nombreux à réclamer un développement industriel pour qu’ils puissent trouver du travail et gagner réellement leur vie.
Jeudi, Abdelmalek Sellal, notre brillant Premier ministre, a rappelé que 30% du PIB de l’Algérie, soit environ 60 milliards de dollars, sont orientés annuellement aux transferts sociaux. C’est grandiose ! Mais ces transferts sociaux n’empêchent ni la misère, ni la précarité. 70 % des Algériens perçoivent toujours des salaires de moins de 30 000 DA. Avec une telle paie, impossible de subvenir à ses besoins et s’épanouir dans sa vie d’être humain. Ces transferts sociaux n’ont pas développé le pays ni créé de richesses. Ils ont formé une population à l’assistanat. Ils ont cultivé la fainéantise et favorisé la corruption.
Créer de la richesse revient d’abord à autoriser la liberté d’entreprendre, à libérer l’argent détenu par des banques considérées comme des tirelires privées. Quand des banques donnent davantage de crédits à des importateurs qu’à des industriels, cela prouve que ce pays ne tourne pas rond ! OK pour le partage équitable de la richesse. Un partage qui passe, d’abord, par la démocratisation de la gestion de la ressource financière dont dispose notre pays. Un partage qui passe surtout par une bonne gouvernance des finances publiques. Acheter des armes, recruter des policiers et importer du lait n’a jamais fait le bonheur d’un peuple. Lui donner la liberté de prendre en main son destin en créant des activités économiques à forte valeur ajoutée, c’est lui offrir une richesse inestimable. Mais dans ce pays, nous ne sommes pas la bouche qu’il faut aux oreilles de nos dirigeants…