« La bêtise insiste toujours », disait Albert Camus. Celle de nos supporters de football commence à dépasser les limites du tolérable. Cela dure depuis des années. Oui, depuis des années, on entend les paroles les plus abjectes dans nos stades de football. Au départ, le phénomène faisait rire, il amusait et interpellait à peine nos consciences. Nous avons toujours considéré nos stades de football comme des tribunes politiques où le peuple crie sa colère et sa rage.
C’est admirable. Voir ces milliers de supporters unis comme un seul chœur pour chanter leurs frustrations et leur rejet d’un système social et politique qui impose au quotidien son diktat a toujours été une image sympathique et reluisante de notre football national. Mais ces dernières années, la colère et la soif de liberté cèdent doucement la place à un fanatisme et un extrémisme rampants qui en disent long sur le basculement d’un pan de notre jeunesse dans la déchéance morale. Quand, effectivement, un supporter de l’équipe nationale crie «Allah Okbar, Oussama Ben Laden» juste après avoir entonné «One, two, Tree viva l’Algérie», la blague ne fait plus rire. Au contraire, elle révulse le cœur.
Ce n’est plus une colère légitime ou compréhensible. Associer Al-Qaïda aux «Algériens» dans des cris enragés pour manifester son soutien enthousiaste à son équipe nationale de football ne peut guère s’inscrire dans le registre d’une ironie raffinée. Soutenir la victoire de son équipe nationale aux moyens des cris guerriers de combattants terroristes qui confondent le Djihad avec les tueries de masses est une dérive dangereuse qui suscite davantage la révolte que la pitié. Une récente vidéo postée sur YouTube, montrant comment une centaine de supporters algériens semant le trouble dans le métro londonien aux cris de «Allah Okbar, Oussama Ben Laden», a suscité un buzz sur les réseaux sociaux. Un buzz de scandale et d’indignation car une grande partie des Algériens a été blessée par les comportements irresponsables de ces compatriotes qui déshonorent l’image de notre pays à l’étranger.
https://www.youtube.com/watch?v=rOgghhG5mDI
Non, messieurs les supporters, notre peuple n’est pas une katiba d’Al-Qaïda. Notre Algérie n’est pas une organisation terroriste. Notre équipe nationale n’est pas une troupe de kamikazes. Ce langage violent, fanatique et volontairement agressif témoigne d’un véritable malaise identitaire et psychologie.
Encore une fois, le football algérien devient un défouloir général où les instincts les plus primaires sont extériorisés, sans aucun processus de sublimation. Le sport élève l’esprit en transcendant les inégalités sociales ; mais en Algérie, il abêtit l’esprit et annihile le bon sens avec ce grégarisme arriéré. Dans notre pays, toute personne qui a un compte à régler avec la vie se réfugie dans le football. On y laisse libre cours à toute sa violence, violence que l’on refoule au quotidien face à la hogra qu’exerce une société profondément injuste. Il est temps que nos académiciens, psychologues et sociologues quittent les tours d’ivoire de leurs universités pour plancher sur cette violence inouïe qui ronge nos jeunes supporters.
Il est temps aussi que les Algériens aient le courage de se représenter collectivement autrement que des « Kamikazes». L’Algérie n’est pas seulement ce fauteur de troubles, ce bagarreur acharné. Cette fausse image qu’une minorité tente d’imposer de force à tout un peuple est une insulte, de plus en plus insupportable, à notre égo, honneur et fierté nationale. Il est temps aussi de cesser de présenter aux Algériens la folie et la mauvaise éducation comme des motifs de fierté. Que ceux qui soutiennent les Oussama Ben Laden et ses semblables laissent donc tranquilles notre équipe nationale de football. Gardez votre Ben Laden et rendez nous notre Algérie. Vous n’avez nullement le droit de salir notre pays comme vous pourrissez vos âmes…