Gaza et les pleureuses d’Alger Par Abdou Semmar

Redaction

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Abdou-Semmar1 «Quand je cesserai de m’indigner, j’aurai commencé ma vieillesse» disait le bon André Gide. C’est sans doute pour cela qu’en Algérie, pays de la jeunesse, l’indignation est présente partout. Tout le monde s’indigne. Tout le monde exprime son indignation. Sur tout et n’importe quoi.  Mais rarement cette indignation débouche sur une véritable mobilisation.

Crier, dénoncer, exprimer son désaccord, se scandaliser mais ne presque jamais proposer et agir pour changer les choses, c’est le propre même de la nature de l’Algérien, cet être éternellement en colère. Gaza et la tragédie palestinienne ont fourni encore une fois l’occasion de prouver ce constat. Les bombardements israéliens, la lâche agression dont est victime la population civile de cette ville martyrisée par l’occupation israélienne, ont indigné les Algériens. Ces derniers n’ont pas hésité à lâcher des larmes. A pleurer face à ces choquantes et terribles photos qui nous parviennent de cette terre meurtrie. Les Algériens ont été profondément bouleversés par cet assassinat qui a ciblé toute une population. Oui et après ? La population de Gaza a-t-elle réellement besoin de nos larmes ?

Aucun parti, association ou collectif n’a appelé à tenir un sit-in, un rassemblement. La rue algérienne continue à lire les mauvaises nouvelles sur Gaza dans les colonnes de journaux tout en buvant tranquillement son thé le soir après la rupture du jeûne.  Jusqu’à maintenant, aucune organisation n’a pensé à organiser une campagne de don au profit des familles sinistrées de Gaza. Presqu’aucun Algérien n’a pensé à sensibiliser les pouvoirs publics pour envoyer des délégations de médecins ou infirmiers volontaires à Gaza. Aucun mouvement citoyen n’a appelé à manifester pour réclamer aux autorités algériennes des pressions sur l’Egypte de Sissi dont la collaboration avec Israël semble évidente dans cette opération militaire contre Gaza.

Force est de constater que Gaza est uniquement un sujet de conversations lugubre en Algérie. Rien de plus. On invoque Gaza pour prouver son appartenance à cette Oumma de l’Islam, pour défendre sa religion, son attachement à la terre sacrée de Jérusalem. On parle de Gaza pour faire bonne figure et clamer sa mauvaise conscience religieuse. Mais en réalité, les Algériens sont incapables de montrer la moindre solidarité avec la population de Gaza. Et pourquoi ? Parce qu’ils ne sont mêmes pas citoyens dans leur propre pays. Ils n’agissent même plus pour remettre leur pays sur les rails de la justice, le droit et l’égalité pour tout le monde. Les Algériens peinent encore à sauver leur pays des multiples agressions dont il est victime de la part de leurs dirigeants. Contre la mauvaise gouvernance et la corruption, ils n’ont rien pu faire alors comment peuvent-ils se mesurer à Israël ? Une société apathique qui aime plus donner des leçons de morales que d’agir pour le changement peut-elle venir en aide à des palestiniens qui se battent pour leur Liberté ?

Une Algérie enfermée sur elle-même et incapable de corriger ses propres dysfonctionnements est-elle de taille pour affronter le grand ogre israélien et protéger la Palestine ? Certainement pas. Nous les Algériens, nous n’avons même pas été capables d’éteindre les feux de la fitna à Ghardaïa, située à peine à 600 Km au sud de notre capitale, alors comment peut-on sauver Gaza de l’occupation israélienne ? S’indigner, c’est bien. Se mobiliser, c’est mieux. Mais faut-il l’appliquer sur soi-même avant de partir à la libération de la Palestine. Gaza n’a pas besoin de notre décadence, notre faiblesse et notre mauvaise conscience. Elle a besoin de notre solidarité, de notre conscience. Elle a besoin d’alliés forts et suffisamment puissants pour l’épauler dans ses souffrances. Mais tant qu’à Alger, les pleureuses continuent de faire le spectacle, l’Algérie ne pourra jamais être d’une aide utile à Gaza. C’est la triste vérité que beaucoup de nos compatriotes révoltés ne veulent pas reconnaître. Fondons une véritable citoyenneté dans notre propre pays. Ce jour-là, nous serons crédibles lorsqu’on parlera de Gaza.

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