« C’est aux arabes que les habitants de l’Europe empruntèrent, avec les lois de la chevalerie, le respect galant des femmes…La situation de la femme mariée, telle qu’elle est réglée par le Coran et ses commentateurs, est bien plus avantageuse que celle de la femme européenne ». Les propos ne sont pas d’un apologiste musulman. Ils sont de Gustave Le Bon, un médecin anthropologue et sociologue français qui l’écrit dans son livre intitulé : de « La civilisation arabe », publié à Paris en 1883. Les orientalistes et les spécialistes des religions ont toujours reconnu que le Coran avait révolutionné le statut de la femme en lui accordant plus de droit, plus de considération et plus de liberté. Quand on constate l’état de délabrement des relations sociales dans les pays musulmans depuis l’apparition de ce nouvel islam, et qu’on imagine à quel destin la femme y est vouée, on se demande si ces gens ont la même lecture des textes sacrés que le reste de l’univers.
Qu’est ce qui fait que du côté des fondamentalistes et des conservateurs musulmans, on glorifie l’islam pour avoir prôné l’émancipation de la femme, tout en poursuivant, à une allure inquiétante, une véritable politique d’enfermement et de relégation qui ne laisse pas d’inquiéter les plus optimistes d’entre nous. Cette contradiction pourtant flagrante, ne semble pas trop gêner ces nouveaux prophètes qui, en l’espace d’une trentaine d’années, ont renvoyé à des horizons très lointains les réformes que les musulmans attendent depuis toujours.
Ils sont pour le progrès qui vient de l’Occident et ils condamnent ce même Occident pour ses inventions « diaboliques ». En d’autres termes le message serait clair : nous voulons bien Internet, mais à la condition de l’enturbanner. Nous voulons bien de Marie-Curie, mais à la condition qu’elle porte le voile intégral.
A tout bien considérer et hors de tout esprit polémique, il y a comme un mystère chez ces gens -les conservateurs et plus particulièrement ceux qui se disent salafistes- qui se conforment au gré des circonstances, soit à l’esprit soit à la lettre du Coran, mais jamais dans l’harmonie, pourtant évidente, que nous propose l’ensemble du cursus, à savoir le Coran, les hadiths, et l’ijtihad. Il y a chez eux comme une espèce de schizophrénie déroutante dès qu’on aborde le statut de la femme. Elle est chez eux l’objet des fantasmes les plus complexes. Objet des désirs les plus ardents, elle est chantée par les poètes et sublimée pour les amoureux de la beauté et des plaisirs les plus raffinés. Mais chez eux, dès qu’elle devient épouse, elle devient faiseuse d’enfants, monture garantie et éducatrice attitrée pour les enfants en nombre, dont elle ne maîtrise pas toujours le nombre. La mère est vénérée puisque le paradis est sous ses pieds et la sœur est condamnée à plusieurs tutelles, celle du père, du mari et des frères.
Que lui reste-t-il donc de la liberté de décider, de créer, de s’exprimer…bref de participer à l’évolution du monde ? Rien ! Sauf l’illusion de continuer à exister par intérim puisque les études qu’elle aurait entreprises dans les meilleures universités ne lui auraient servi à rien ; le mari ou le frère ou le père se chargeant se penser à sa place. Le voile, la tradition et l’esprit rétrograde ont des ressources que la raison ne connaît pas. Quoi qu’elle fasse et quelles que soient son audace et son effronterie, et dans l’hypothèse où elle obtiendrait le Prix Nobel, elle sera toujours condamnée à se faire chaperonner par un mari, un fils ou un neveu fussent-ils dadais, pour accomplir le pèlerinage à la Mecque par exemple. On peut être majeure dans le savoir et infantilisée dans le quotidien par la vertu des savants de ce nouvel islam qui ont décidément beaucoup de problèmes avec la femme, avec le sexe, avec le plaisir, avec la musique, avec la peinture, avec la poésie et avec les sens pour tout dire.
A les entendre, on en conclut que la femme bascule de l’état d’ange à celui de démon, à l’issue du coït. Elle devient diable parce qu’elle a tenté l’ange, lui bien sûr. Celui-ci passe du stade de bête lubrique à celui de moralisateur dans l’espoir de laver le péché dont seule la femme est responsable. C’est elle qui l’a agressé par l’insolence de ses atours. Bref ! Quelle idée d’être femme ! Alors, et afin que tout soit étouffé derrière la plus hypocrite des apparences, toutes les femmes, devenues simplement femelles, sont forcées de se bâcher de noir et se ganter de noir pour conjurer le diable, même si on sait que c’est dans la tête qu’il se niche.
Quoi que fasse la femme et quelle que soit sa vertu, elle sera toujours coupable de porter la tentation et le mal. Rien ne lui sera jamais épargné pour la rendre coupable de toutes les frustrations de l’homme. Cela rappelle un peu un des principes de la religion juive qui fait dire par le soldat israélien à sa victime palestinienne : « Je ne te pardonnerai jamais de m’avoir poussé à te tuer ». L’art d’infliger la double peine. Le salafiste et l’agresseur sioniste s’accommodent pour le coup et sans trop de difficulté de la confusion entre victime et bourreau.
C’est cette confusion qui a créé depuis l’apparition de ce nouvel islam, un conflit permanent entre l’homme et la femme et dans lequel, le mâle musulman fort d’une interprétation littéraliste et obtuse du Coran, en prend largement à son aise pour assigner la femme à la situation la plus humiliante qui soit. Un journal saoudien avait titré en une : « La première à l’avoir fait ! » pour vanter l’exploit d’une citoyenne du royaume. Elle n’a pas battu le record du calcul mental, ni réussi une première transplantation cardiaque. Elle a conduit seule sa voiture. Rendez-vous compte de la prouesse. Eh oui ! Quand le ridicule ne tue plus, il vaut mieux s’en remettre au Seigneur.
Voilà un peu l’horizon que nous proposent ces nouveaux prophètes. Le chemin vers le paradis, passerait d’abord par l’enfermement de la femme et par sa diabolisation ad aeternam. Elle serait un obstacle pour le progrès puisqu’elle demeure la tentation du diable dans l’imaginaire de ces prédicateurs qui ne reculent devant rien pour nous ramener au moyen-âge, pas même devant le risque d’une guerre civile.
De véritables commandos agressent nos jeunes filles parce qu’elles ont le tort de ne pas se voiler la tête. Où ces messieurs ont-ils lu qu’il s’agit d’une obligation canonique ? Débattons à armes égales et écoutons les agresseurs et les agressées. Que voulez-vous faire de cette religion du milieu et de son esprit de tolérance ? Si telle n’est pas votre compréhension de l’islam, allez rejoindre Daech et Dieu reconnaîtra les Siens.
La situation est-elle désespérée pour autant ? Oui et non ! Oui, parce que le Pouvoir laisse faire et donne même des gages à ces obscurantistes. Non, parce l’espoir est du côté du progrès, le progrès est du côté du savoir et la quête du savoir est le chemin royal pour rencontrer Dieu, sur la route vers la Chine : « Recherchez la science, serait-ce en Chine » ( hadith ).
Aziz Benyahia