Par Hassan Haddouche
Lorsqu’on disposera du recul suffisant , les années Bouteflika apparaîtront peut être dans la conscience collective comme celle du « boom de l’automobile » .Une période qui ,en dépit des apparences ,appartient sans doute déjà au passé. Diminution des ventes et augmentation des prix des véhicules semblent en effet être aujourd’hui les nouvelles tendances du marché automobile algérien ou la voiture, après une « démocratisation »de quelques années, est en passe de retrouver progressivement son statut de produit de luxe .
C’est sans grands états d’âme que les autorités algériennes ont observé la croissance exponentielle des importations de véhicules au cours des dernières années .L’un des meilleurs exemples de cette passivité est sans doute constitué par le ministre des Transports, M. Amar Ghoul, qui indiquait voici encore quelques mois , sans manifester apparemment de préoccupation particulière, que le parc automobile en Algérie atteindrait 21 millions de voitures en 2030 contre un peu moins de 7 millions actuellement. Rappelons quand même , qu’en 2000, l’Algérie comptait à peine deux millions de véhicules.
Un coût économique considérable
La frénésie d’achat d’automobiles qui semble s’être emparé des algériens depuis maintenant près d’une décennie , disons pour simplifier les « années Boutéflika », mériterait pourtant sans doute au moins une tentative d’analyse de ses conséquences , nombreuses et considérables, sur le mode de vie des algériens qui fait parler à certains d’une véritable « pathologie de l’automobile » .Il faudrait évoquer aussi son coût économique ; en commençant par celui directement lié à l’importation , de l’ordre de 10 milliards de dollars par an. Un coût économique qui, pour être mesuré de façon aussi complète que possible ,devrait prendre en compte non seulement les coût directs liés aux achats de véhicules et de pièces détachées mais également les coûts indirects inhérents au caractère fortement subventionné des prix des carburants dans notre pays dont le coût est estimé entre 8 et 12 milliards de dollars par an suivant les sources .Soit au total près de 10% du PIB national .Une estimation qui ne tient pas compte d’un certains nombres de coûts indirects ,sur l’environnement et la santé par exemple, dont la mesure est plus complexe .
Vers la fin du boom de l’automobile
Ces questions , qui sont toujours d’actualité risquent cependant d’être repoussées au second plan au cours des prochaines années par une nouvelle conjoncture économique qui va modifier profondément les données du problème. Diminution des ventes et augmentation des prix des véhicules semblent en effet être aujourd’hui les nouvelles tendances du marché automobile algérien.
Les prévisions de M .Amar GHOUL ne se réaliseront pas .Après les années fastes qui ont conduit les ventes de moins de 100 000 véhicules importés en 2007 à des sommets proche de 600 000 véhicules en 2012 , le reflux a commencé dès 2013. Les chiffres pour 2014 sont encore tout frais. Ils indiquent une nouvelle baisse des ventes de l’ordre de 20% avec près de 350 000 véhicules importés l’année dernière . Ce n’est encore qu’un début et pour beaucoup de professionnels du secteur ,les fondamentaux économiques devraient tirer le marché automobile algérien vers une taille de l’ordre de 300 000 véhicules importés par an au cours des prochaines années .A moins que de nouvelles complications liées à la chute des cours du baril viennent encore accentuer cette tendance .Le DG de Hyundai Algérie, que nous avons rencontré voici quelques jours chez nos amis de Maghreb émergent, nous dit redouter les conséquences de la baisse récente des prix pétroliers et des mesures administratives qu’elles pourrait conduire les autorités algériennes à adopter, notamment en matière de normes de sécurité des véhicules ,dans le but en réalité de réduire les importations .De façon encore plus inquiétante certains experts n’hésitent plus à évoquer, au cours des derniers mois, un possible contingentement administratif des importations de véhicules qui pourrait les ramener, en cas de poursuite de la chute du prix du baril, à un niveau de l’ordre de 100 000, soit juste le chiffre d’avant le boom ….
Vers une augmentation des prix
l’évolution à court terme du marché , c’est aussi celle d’une augmentation des prix . Cette dernière sera stimulée par l’évolution du taux de change du dinar qui devrait provoquer une hausse moyenne du prix des véhicules de l’ordre au minimum de 7 à 8 % dans les mois qui viennent. Cette augmentation sera renforcée par l’introduction des nouvelles normes de sécurité en préparation dont le coût sera également répercuté sur le prix des véhicules . L’augmentation des marges des concessionnaires , dont on entrevoit déjà la tentation notamment dans le segment du haut de gamme dans le but de compenser la diminution des ventes, sera un autre facteur de nature à renforcer le renchérissement sensible du produit auto qui va ainsi retrouver progressivement son ancien statut, un peu oublié, de produit de luxe .
Le service après vente pour maintenir l’activité de la branche auto
Sur cette toile de fond , pas forcement très réjouissante, on peut relever quand même une bonne nouvelle . Le risque de rétrécissement du marché et de diminution de leur activité que ces évolutions font courir aux opérateurs devrait donner lieu de leur part à des stratégies axées sur le développement des services après vente par la récupération du marché de la pièce détachée et de la maintenance des véhicules. L’ouverture de shows rooms , de magasins de pièces détachées et d’ateliers de réparation seront les priorités de beaucoup de marques au cours des prochaines années .Pour la plupart des concessionnaires , c’est l’après vente sur un marché de 7 millions de véhicules qui va permettre dans un contexte de diminution des ventes de maintenir voire d’augmenter l’activité de la branche auto. On aura donc un parc auto qui augmentera moins vite , avec des véhicules qui coûteront plus chers mais qui seront mieux entretenus .
Hassan Haddouche