Les Algériens aiment l’humour. Ils le cultivent comme un paysan vietnamien qui plante son riz et veille jalousement sur lui. De l’humour, les algériens ils n’auront que ce refuge pour les prochaines années si la situation perdure ainsi. D’ailleurs, il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Cet adage pourrait devenir la devise nationale de notre nouveau pays. Oui un nouveau pays qu’on appelle «La monarchie algérienne impopulaire et mafiocratique».
Ce nouveau pays verra le jour le 17 avril prochain. Ce jour-là, nous aurons officiellement un roi, une cour de larbins serviles à son service, des vizirs aux ventres bedonnants qui ressemblent étrangement à nos barils de pétrole qu’on exporte à l’étranger. La monarchie pour système politique, les Algériens ont déjà un avant-gout de ce régime avec 15 ans de règne d’un seul et unique homme. Bouteflika deviendra Bouteflika 1er. Et de son palais d’El Mouradia, situé sur les hauteurs d’Alger, il se contentera de régner puisqu’il ne veut pas, ou ne peut pas, on ne le sait pas encore, gouverner. Pourquoi gouverner lorsqu’on peut régner ? Bouteflika 1er laissera le pays entre les mains d’une clique appelée prochainement les «mafiocrates». Une élite diplômée des grandes écoles internationales de la triche, fraude et détournements de fonds. Un parcours d’excellence unique en son genre. Rares sont les pays dans le monde qui peuvent se vanter de disposer d’une telle élite aussi formée. Une élite qui nous offrira une justice exemplaire. Une justice toujours empressée de déclarer illégales les grèves, contestations et protestations. Une justice intraitable avec les déjeuneurs du Ramadhan, les couples illégitimes, les romantiques des forêts et parkings, les caricaturistes impertinents, les facebookers qui s’essaient aux photomontages. Mais une justice compréhensive avec les ministres accusés de corruption, de détournements et dilapidation de deniers publics. Ne vous inquiétez pas la monarchie algérienne vous épargnera le poids lourd d’une justice indépendante et transparente.
Elle vous protégera contre les injustices grâce à la clairvoyance, omniscience et toute puissance de notre souverain Bouteflika 1er. Pas besoin effectivement de juges encombrants. Lui seul sera le juge qui saura discerner le mal du bien. Lui seul vous dira quand tel ou tel général est digne de respect ou pas. Ah les généraux, ne les oublions pas. Dans notre future monarchie impopulaire, ils joueront un rôle fondamental : ils inonderont les colonnes des journaux par des tribunes salivantes ou le bon peuple, le sujets de sa majesté, apprendront toutes les mauvaises manières qu’il ne faut pas imiter. Les généraux feront également des spectacles publics pour remplacer les clowns, une denrée dans notre beau pays. Des spectacles où nous allons rire comme des baleines lorsqu’on les écoutera dire que nous veillons sur la stabilité du pays, sur sa sécurité, sa dignité et ses richesses. Des généraux humoristes et One Man show que nous allons pouvoir exporter à l’étranger pour soigner notre soft power. Un humoriste gradé et avec une casquette militaire pour raconter aux européens sinistres ses aventures dans le désert algérien à traquer les méchants terroristes. A dos de chameau, avec un baril de pétrole et une bouteille de jus de dattes comme arme, nos généraux montreront au monde entier comment notre brave monarchie a battu le terrorisme saharien et sahélien dont l’armée est composée de jeunes adolescents chétifs, des femmes voilées intégralement et de conducteurs de 4X4 rouillées.
Et une fois par semaine, notre grand roi Bouteflika 1er nous organisera les «généliators» : des combats meurtriers qui opposeront les officiers les plus intelligents et plus musclés. A la fin, le perdant doit mourir en emportant avec lui une interview exclusive et une mallette de devises sponsorisée par les cambistes du Square Port Said. Et ben oui, dans la monarchie algérienne impopulaire et mafiocratique, le peuple s’amuse bien, beaucoup et tout le temps. Nous aurons une Grande Mosquée pour prier et le vendredi, nous laverons nos péchés de la semaine. Quand il y aura des crues et des intempéries, nous dirons que c’est à cause du Maroc, maudit ennemi. Et quand il fait chaud et la sécheresse frappe durement, nous dirons que c’est à cause du Qatar, maudit petit royaume concurrent.
Oui, l’humour sera la constitution nationale. Au moins avec le rire, nous allons soulager nos consciences. Après tout, nous les Algériens, nous avons tellement ri lorsque nous nous sommes moqués des centrafricains pour avoir applaudi leur empereur Bokassa 1er nous avons tellement ri lorsque nous avons ridiculisé les congolais qui soutenaient Mobutu l’excentrique, nous avons tellement ri lorsqu’on se payait la tête des libyens qui glorifiaient Kadhafi, nous avons tellement ri des autres qu’aujourd’hui, nous pouvons amplement et facilement rire de nous-mêmes. Alors apprenons encore à bien rire parce qu’après le 17 avril, nous n’aurons que le rire comme planche de salut…