Je m’appelle Toufik, alias Toufikou. Le jour, je suis général des services secrets et le soir, un talentueux joueur de football. A 76 ans, je joue trois fois par semaine. Et contrairement à ce que vous croyez, je suis le véritable inventeur de la double roulette. Oui, c’est moi le Toufikou algérien qui a créé ce geste technique. Le vilain Zizou, le Français et ami de mon ennemi intime Abdelaziz Bouteflika, m’a uniquement imité un soir lors d’un match que nous avions disputé dans un stade situé tout près de l’Antar Arena, le Camp Nou des services secrets algériens.
Oui, parce que je suis général de profession, aucun grand club dans le monde n’a sollicité mes services. Et pourtant, à 76 ans, je joue encore au foot. Et à quelle cadence! Trois matchs par semaine, s’il vous plait! Des entraînements rudes que même Guardiola n’ose point infliger à ses joueurs du fameux Bayern. Vous ne me croyez pas ? Alors interrogez mon ami et coéquipier Trézéghoul. Lui, il est plus jeune que moi. Mais, précoce, il joue dans mon équipe depuis de longues années. Je l’ai pris sous mon aile pour lui apprendre comment devenir un joueur hors pair. Mais, lui était si têtu et indiscipliné qu’il avait fini par se retrouver ministre. Oui, ministre le jour, et butteur le soir avec mon équipe.
Je lui avais confié un poste au ministère des Travaux Publics. Je lui avais demandé de veiller sur le projet du siècle : une longue autoroute de 1200 Km. Le petit, n’avait rien pigé ! Il croyait que les travaux publics se géraient comme une offensive sur un stade de football : à coup de pichenettes. Sa mission était de marquer des buts contre les Chinois et les Japonais. Mais le Trézéghoual, à cause de son strabisme, les marqua contre son camp !
Il avait perdu ses matchs et a failli se retrouver devant les tribunaux pour mauvais coaching et autres saloperies dont je me serais bien passé. Trézéghoul est un bon butteur. A condition de lui expliquer le schéma de jeu. Sinon, il a tendance à composer avec l’équipe adverse, comme lors de la grande (dé)coupe d’Algérie d’avril 2014. A ce moment-là, il avait porté le maillot «Je suis Abdelaziz Bouteflika». Le Guignol ! Enfin, vous savez, dans le foot comme dans la politique, le mercato permet de rectifier les tirs. Trézéghoual a été placé sur la liste des «transférables» par Abdelaziz Bouteflika, un coach trop malade pour pouvoir garder longtemps ses « meilleurs » éléments. J’ai décidé de le reprendre, mais sans débourser une fortune. Ce n’est pas un Gareth Bale non plus !
Mais le bougre a fait encore des conneries ! Il a révélé, ce samedi 20 juin, à tous les Algériens que je jouais au foot à 76 ans ! Une information confidentielle que personne ne devait connaître. Oui, comment je vais faire maintenant pour élaborer mes stratégies ? Fort heureusement, personne ne prend Amar Trézéghoul au sérieux. Qui peut croire qu’à 76 ans, un vieux général peut encore faire des doubles roulettes ? Personne. Les Algériens sont naïfs, quelques fois idiots ou trop nerveux pour faire fonctionner leurs neurones, mais quand même pas au point de gober un tel bobard. Du moins, pas encore. Ceux et celles qui ont crû réellement que je jouais avec le Amar de l’autoroute trois fois par semaine ne connaissent vraiment rien au foot. Dans ce sport, on ne reconduit pas une équipe qui marque tout le temps contre son camp. Et dans ce registre, Amar Trézéghoul peut se targuer d’avoir déchiré, à maintes reprises, les filets de sa propre équipe.