La russification rampante de l’Algérie Par Abdou Semmar

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Abdou-Semmar1La Russie de l’Afrique, c’est le nouveau surnom qu’on peut donner aisément aujourd’hui à l’Algérie. La Russie où l’establishment militaire et la sécuritocratie dirigent le pays avec une main de fer est le miroir de l’Algérie qui se fraye un chemin en marchant sur les pas de Poutine. Un pays riche en hydrocarbures avec une croissance économique et un partage des richesses nationales au profit d’une élite et d’une bourgeoisie acquises au régime et au service de son maintien, la voilà la route que veut nous tracer pour notre avenir le système politique algérien.

Prenez les entreprises, la hausse des salaires, la baisse des impôts, les avantages fiscaux et fonciers et enrichissez-vous. Cependant, oubliez vos libertés publiques, votre nécessaire implication dans la gestion du pays et vos revendications démocratiques. C’est le projet pour lequel travaille le régime algérien depuis des années. Reconstruire la Russie de Poutine en Afrique avec une armée forte et puissante politiquement, des services de renseignement dont le fonctionnement demeure obscur et avec un poids politique que nul ne peut contester. Et cerise sur le gâteau : une opposition diabolisée et muselée. La Russie de Poutine a permis à une nouvelle classe moyenne de s’embourgeoiser, aux oligarques de s’exporter à l’étranger et aux paramilitaires d’investir le business en toute quiétude en présence d’une justice soumise au bon vouloir de l’ordre établi. Poutine incarne donc bien ce zaïm dont rêve les différents cercles du régime algérien. Un Zaïm qui achète avec son charisme le silence des classes moyennes. Un Zaïm qui sait inspirer la frayeur et la peur à ses opposants en quête de démocratie. Un Zaïm qui fédère tout le monde autour de lui et assure la survie d’un système profondément convaincu qu’il est le détenteur de la vérité absolue.

La Russie et sa stabilité, le parfait exemple pour les dirigeants algériens. Abdelaziz Bouteflika l’avait bien compris et a tout tenté pour offrir à ces dirigeants un rêve russe. Des subventions à tout-va, de généreux crédits bancaires pour de nombreux oligarques algériens, l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie ivre des idéaux du régime et une opposition divisée et aplatie. La Poutinisation de l’Algérie avait donc bien commencé. Et ce 4e mandat semble plus que jamais être le prolongement de cette stratégique russification. Des scores à la soviétique et une campagne électorale axée sur la peur et soutenue par une Nomenklatura fortunée. Tous les ingrédients d’une soupe russe ont été réunis. Un 4e mandat pour perdurer le statu-quo et une Algérie qui rêve de lendemains enchanteurs. Mais Bouteflika va-t-il pouvoir réaliser ce que Poutine a pu faire en Russie ? Avec un état de santé chancelant et un âge avancé, certainement pas. Mais pas de panique : le régime algérien sait inventer les zaïm. Et demain encore cette russification rampante se poursuivra. À moins qu’une opposition réellement digne de ce nom veuille proposer un autre projet national aux Algériens. D’ici là, le froid sibérien continuera de faire geler la raison algérienne.