La Suisse pour les uns, le « c’est normal » pour les autres Par Abdou Semmar

Redaction

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Plus de 400 algériens ont détourné et caché en Suisse plus de 670 millions de dollars. «Mais, c’est normal !», nous répondent de nombreux algériens qui déguisent leur indifférence avec un certain humour naïf pour nous faire croire qu’ils ne sont guère étonnés. Plus de 400 millions d’euros ont été transférés illicitement, et donc détournés, à l’étranger en échange de quelques containers de chaussures déchirées et de déchets, «c’est normal» nous disent là aussi plusieurs de nos compatriotes. Plus de deux milliards d’euros ont été volés de nos banques pour les transférer dans les paradis fiscaux comme Dubaï et Hong Kong, «c’est normal aussi» ont encore répondu les Algériens sur les réseaux sociaux et  dans les cafétérias.

La corruption et la dilapidation des deniers publics ne suscitent presque aucun sentiment de colère dans notre société. En 2015, nous avons l’impression que plus rien ne choque notre peuple. Plus rien ne l’indigne. Tout devient «normal». Sellal l’incompétent qui dirige notre pays ? Et ben, il fait rire et amuse nos compatriotes. Amar Ghoul, toujours ministre alors qu’il est mouillé dans le méga-scandale de la méga autoroute est-ouest ? Et ben, ça n’énerve pas nos concitoyens. 500 millions d’euros qui seront dépensés sans aucune transparence pour «Constantine, capitale de la culture arabe», à savoir un budget 5 fois supérieur à celui de «Marseille capitale de la culture européenne » ? Et ben, les Algériens trouvent cela aussi «normal» ! Pourquoi ? Parce que le vol, la rapine, la confiscation des richesses et leur détournement, ce sont des fléaux auxquels nos compatriotes se sont largement habitués. Corrompre, voler et cambrioler, des pratiques devenues presque routinières dans notre pays. Pourquoi s’en étonner ? La voilà, la réponse classique et si cruelle des indifférents qui composent majoritairement notre société. Une majorité ? Oui puisque ni colère publique, ni une indignation nationale et ni une mobilisation générale n’ont émergé des profondeurs de la société algérienne pour dire halte à ces pratiques mafieuses. Sur Facebook, dans les rues, les places publiques, les universités et même dans les mosquées, ces pratiques mafieuses récolent la même sempiternelle réponse : «C’est normal !»

L’information révélée par le scandale «Swissleaks» à propos des comptes bancaires algériens de la HSBC de Genève n’a suscité aucune réaction politique. Quasiment aucun parti politique, institution publique ou un dirigeant algérien n’a commenté cet énorme scandale d’évasion fiscale. Et pourtant, avec 670 millions de dollars, on aurait pu équiper les écoles de Médéa, Chlef et Tissemsilt de tous les systèmes de chauffage possibles et imaginables pour éviter à nos enfants de greloter de froid. Combien de malades cancéreux, on aurait pu sauver avec 670 millions de dollars ? Les Algériens, instruits ou analphabètes, connaissent ces réalités amères. Mais, peu d’entre eux, ont aujourd’hui le courage d’abandonner leur routine pour militer et dire «Stop à ces scandales !»

Ils ne sont pas nombreux ces concitoyens algériens qui ne cèdent pas à l’indifférence générale en refusant de dire «c’est normal» quand ils lisent ou entendent parler de ces scandales. Ils ne sont pas nombreux ceux et celles qui disent : «Faisons quelque chose pour préserver les richesses de notre Algérie». Ils ne sont pas nombreux les Algériens, et Algériennes, qui osent défier l’arbitraire de la mafia politico-financière en se constituant comme une force d’opposition face à ces lobbys. Mais, finalement, «c’est normal» d’observer une telle attitude dans ce pays rongé par le défaitisme et le fatalisme béat. Malheureusement, nous les Algériens, nous avons oublié que «l’indifférence est la moitié de la mort», comme disait Khalil Gibran.