Le coeur battant d’In Salah et les pieds sales de Sidi Saïd Par Abdou Semmar

Redaction

Ma photo week-end

In Salah. Ce nom n’évoque plus une bourgade saharienne dépourvue de tous le confort de la civilisation. Ce nom n’évoque plus la misère, l’exclusion et la pauvreté. Ce nom ne signifie plus seulement injustice, hogra et précarité. Non, pas du tout !

In Salah est aujourd’hui le symbole de l’espoir et du patriotisme. In Salah, l’espoir d’un avenir meilleur pour lequel se battent vaillamment des manifestants conscients des enjeux d’aujourd’hui. Des manifestants responsables, droits et honnêtes. A In Salah, les manifestants anti-gaz de schiste ont prouvé ce 1er mars 2015 que leur patriotisme les prémunit contre toute tentative de récupération politique. Au moment où leur ville brûle et leurs concitoyens sont réprimés par les forces anti-émeutes, des citoyens d’In Salah ont eu le courage de partir à la rencontre du premier haut gradé de l’armée et haut responsable militaire de la région pour négocier avec lui un retour au calme.

Ces manifestants humbles, snobés par les Sellal et Youcef Yousfi, ont trouvé les mots justes pour sensibiliser ce haut gradé de l’armée algérienne. Ces simples citoyens, pris de haut par notre classe politique vermoulue, ont su comment persuader les autorités militaires de poursuivre leur mouvement de contestation pacifique. Ces Algériens ordinaires qui ne touchent pas des salaires mirobolants  ni des indemnités comme nos députés, ont réussi à s’imposer sur le très complexe échiquier politique national, en surmontant tous les obstacles imaginables.

Avec bon sens, les militants anti-gaz de schiste ont prouvé qu’ils ne veulent semer ni la violence ni la haine dans leur région ou leur pays. Cette conscience les honore et administre une gifle magistrale aux partisans de la théorie du complot qui accusent ces manifestants de développer une tentation séparatiste. In Salah se révolte et se révolte pacifiquement non pas pour se séparer de l’Algérie, mais pour s’enraciner encore davantage dans ce pays incapable de partager équitablement ses richesses avec elle.

Demain, la violence peut encore ressurgir. Les affrontements peuvent reprendre et redoubler d’intensité. Mais ce ne sera point la faute de ces manifestants, car ces derniers ont tout tenté pour canaliser la frustration et la colère populaire. Quant à nos dirigeants, ils continuent à mépriser l’intelligence de nos concitoyens, en nous servant les mêmes plats périmés : La main étrangère, le pétrole et le gaz sont des dons de Dieu, la stabilité du pays menacée, etc.

Au moment où Abdelmadjid Sidi Saïd, le premier responsable de la centrale syndicale UGTA, proclame son amour aveugle d’idolâtre à Abdelaziz Bouteflika, affirmant publiquement chérir son Président avec «son sang, sa tête et ses pieds», la population d’In Salah poursuit son militantisme avec une intelligence et une élégance rarement égalées. Le patriotisme d’In Salah, c’est l’amour des siens. Le nationalisme mensonger de nos dirigeants, c’est la haine des autres. La différence est là. Nous avons plus que jamais besoin du cœur battant d’In Salah pour se débarrasser des pieds sales de Sidi Said.