Le gouvernement algérien est-il entré en guerre contre Cevital ? Par Hassan Haddouche

Redaction

C’est l’ancien patron du FCE, M.Reda Hamiani, qui nous confiait voici quelques mois qu' »Issad Rebrab est   le seul chef d’entreprise  algérien à avoir réussi à  échapper au contrôle du pouvoir algérien ».Une raison suffisante, apparemment, pour que son cas inquiète de plus en plus le gouvernement. Le fait que le patron de Cevital ait pris la tête de la fronde  du patronat contre un quatrième mandat du président Bouteflika, en démissionnant du FCE, n’a,bien sûr, pas arrangé les choses .

En tous cas les relations entre Issad Rebrab et les autorités algériennes qui étaient déjà tendues semblent carrément s’envenimer depuis  un peu plus d’une année. Chacune des initiatives prises par le Groupe Cevital est désormais suivie de très près par les pouvoirs publics et la liste des obstacles dressés pour  empêcher  son expansion ne cesse de s’allonger .

Usine Michelin de Bachdjarah : « Cevital n’a pas payé assez cher »

Rien qu’au cours de l’année écoulée, on peut déjà citer le projet de rachat par Cevital de l’ancienne usine Michelin de Bachdjarah. La transaction avait déjà été conclue  entre l’entreprise française et le groupe privé algérien lorsque le gouvernement algérien a décidé de mettre son véto en faisant valoir le droit de préemption de l’Etat. Le ministre des Finances, un peu gêné, avait expliqué que le gouvernement considérait que Cevital n’avait …. pas payé  assez cher.  Un peu plus tard, c’est le ministre de l’industrie  qui rectifiait le tir en déclarant  que  le gouvernement tenait à maintenir une  production de pneumatiques à Bachdjarah. Aux dernières nouvelles, tout est à l’arrêt; la production de pneumatiques aussi bien que les projets de Cevital qui veut construire sur le site un hôpital, une université privée et un centre commercial.

Blocage de l’entrée dans le capital de NCA 

Dans la période récente les événements se sont encore accélérés. La semaine dernière, le patron de NCA Rouiba, Slim Othmani, annonçait qu’un accord avait été conclu entre le Fonds d’investissement international Afric invest et Cevital pour la cession au groupe privé algérien de 15% du capital de  NCA par l’intermédiaire d’une transaction à la Bourse d’Alger. Moins de 48 heures plus tard, on apprenait que  la COSOB a exigé une main levée de l’État qui aurait, de son point de vue, un  droit de préemption sur ces actions. Depuis l’entrée en Bourse de NCA l’année dernière  on avait pourtant cru comprendre que le droit de préemption de l’Etat algérien  ne s’applique pas aux transactions en bourse et qu’on ne peut pas, d’un point de vue pratique, le brandir à chaque opération de vente et d’achat d’un paquet d’actions  à moins de paralyser complètement une institution qui n’a déjà pas besoin de cela. De là à conclure que la Cosob a agi sur injonction politique…En attendant, Afric invest et Cevital devront attendre, sans doute longtemps, la main levée du ministère de l’Industrie pour finaliser la transaction. A moins que l’Etat décide qu’il est urgent  pour la collectivité nationale que le Trésor public entre à hauteur de 15% dans le capital d’une entreprise privée qui produit des jus de fruit….

Ajoutons que la position de la Cosob, sans doute pilotée par le ministère de l’Industrie, ne pénalise pas seulement  le groupe Cevital. Elle va également nuire à l’ensemble de la démarche d’attraction des fonds d’investissements internationaux qui ont commencé à s’intéresser aux entreprises privées algériennes auxquelles ils apportent capitaux propres et capacités de management. Ces derniers risquent fort de voir dans cette nouvelle affaire la confirmation de la réputation d' » imprévisibilité » de la gouvernance économique algérienne.

Bouchouareb en première ligne

On a gardé le meilleur pour la fin. Issad Rebrab était à Londres la semaine dernière. Il accompagnait une large délégation composée  à la fois de membres du gouvernement et de patrons algériens venus dans la capitale britannique  vendre la destination Algérie aux investisseurs internationaux. Le patron de Cevital en a profité pour annoncer son intention de lancer un emprunt obligataire international. But de l’opération : accompagner le développement international de Cevital en finançant les acquisitions et les investissements du groupe algérien en Europe, notamment en Italie et en France. Jusqu’ici rien d’anormal. Le problème c’est qu’à peine Issad Rebrab avait-il fait son annonce que le ministre de l’Industrie, M.Abdesselam Bouchouareb, montait à la tribune pour déclarer devant un auditoire stupéfait que le patron de Cevital « se faisait des illusions s’il espérait pouvoir utiliser ses actifs en Algérie au titre de garantie pour son emprunt international ».Il faudra sans doute remonter très loin dans les annales de ce genre de manifestation pour trouver un ministre de l’Industrie déclarant aux investisseurs internationaux qu’il ne doivent surtout pas faire confiance à la première entreprise privée de son pays et la seule pour l’instant à avoir entrepris ce genre de démarche.

Le prochain épisode du feuilleton à rebondissements qui oppose le gouvernement algérien à Cevital est pour les prochaines semaines. Issad Rebrab a signé, le 9 décembre dernier, le contrat de rachat des aciéries  Lucchini  en présence du Premier ministre italien, de la ministre italienne de l’Industrie et  du président de la région de Toscane. Quelques semaines auparavant, le 18 novembre exactement, le groupe Cevital avait déposé auprès de la Banque d’Algérie un dossier d’investissement à l’étranger relatif à ce projet  dans le cadre du tout nouveau règlement qui autorise ce genre d’opération. C’est d’ailleurs pour l’heure le seul dossier reçu par la Banque d’Algérie. Devinez quelle sera la réponse ?

Hassan Haddouche  

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