Ils ne sont pas les enfants d’Ali Haddad, Mourad Oulmi, Mohamed Baïri et autres hommes d’affaires qui ont fait fortune à l’ombre d’Abdelaziz Bouteflika. Ils ne sont pas les frères ou les proches du très « lucide » Bouteflika dont l’extraordinaire «capacité de jugement» épate le président français. Ils ne sont pas les héritiers des Betchine, Khaled Nezzar ou des généraux Lakhdar, Omar ou Ahmed.
Ils ne font pas partie des familles des Benyounes, Sellal ou Ghoul, qui dorment chaque nuit sur leurs rentes acquises grâce à leur docilité vis-à-vis du clan présidentiel. Ils ne sont pas proches de ces importateurs véreux qui arnaquent nos banques et transfèrent illicitement nos devises vers Dubai, Hong Kong ou les Iles Caïmans. Ils, ce sont ces Algériens qui doivent vivre avec moins de 15 000 Da par mois. Oui, un misérable salaire inférieur à 15 mille DA. Quinze mille dinars pour se nourrir, se loger, boire, emprunter les transports en commun et s’habiller. Le défi est titanesque. Le challenge devrait inspirer les concepteurs des télé-réalités, ou plutôt des films catastrophe.
Et le nombre de ces Algériens, qui touchent moins de 15 mille DA, est de 1 043 371 de salariés ! Ils représentent exactement 15,6 % des 6 704 536 salariés que compte le pays tous secteurs confondus, a révélé, cette année, une enquête du très officiel Officie national des statistiques (ONS). Ces 1,4 million d’Algériens vont donc, à partir de demain jeudi, passer le mois sacré du Ramadhan avec uniquement 15 mille DA. Au moment où nos dirigeants vont nous vendre leur habituelle «soupe épicée» au sujet de la générosité et de la solidarité légendaire de notre Etat. Ces 1,4 million d’Algériens vont devoir compter chaque dinar pour affronter la mercuriale en folie.
Tout au long de ce Ramadhan 2015, ils devront se débrouiller, trouver des astuces, inventer des combines, imaginer des plan B, Y et Z, afin de ne pas mourir de faim et tenir bon pour s’offrir quelque maigre pitence à l’heure du f’tour. Ces «Banou 15 mille DA» sont une grande tribu. Ils constituent la plus grande tribu d’exclus, de parias et d’indésirables de notre pays. Ils sont majoritairement jeunes, mais souvent aussi des pères ou mères de familles.
On les retrouve dans toutes les entreprises publiques ou institutions de l’Etat. Au ministère des Affaires Etrangères, pas moins de 300 employés touchent ce salaire de 15 mille DA. Certains d’entre eux perçoivent ce pécule misérable depuis plus de sept ou huit ans. Durant toutes ces années, ils ont appris à ne pas dépenser ce pécule rachitique en une semaine. Bien qu’une semaine soit la durée de vie naturelle de cette bourse incroyablement modeste. Et pendant ce temps, ils observent les diplomates dépenser les devises dans des dîners mondains ou participer à des meetings de propagande à la gloire du troisième ou quatrième mandat.
Ils ne sont pas bêtes. Ils ne sont pas analphabètes. Non, loin s’en faut! Beaucoup d’entre eux sont de brillants diplômés, des hommes et des femmes instruits. Malheureusement, leurs compétences ne trouvent aucun preneur dans notre pays. Leur intégrité, tout comme leur dignité, est bafouée par le manque de considération et la mauvaise gestion de nos ressources humaines. «Tenez 15 mille DA et fermez vos gueules», leur dit-on depuis de nombreuses années.
Aimez votre pays, respectez vos dirigeants et jeûnez pendant le Ramadhan. Le tout à 15 mille Aa. C’est le destin des « Banou 15 mille DA»…