En Algérie, une seule chose est certaine : le régime algérien n’acceptera pas facilement la séparation de la société civile de son emprise et il fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir cette mainmise. Pour quelle raison ? Parce qu’il est atteint d’un terrible syndrome, à savoir le syndrome de l’aquarium.
Ce syndrome est dangereux et paralyse l’Algérie depuis de longues années. C’est une maladie mentale pour l’heure incurable. Le syndrome de l’aquarium illustre bien son nom. C’est le cas d’une personne enfermée dans un monde imaginaire figé. Une prison mentale constituée d’éléments historiques vieillots et dépassés par le présent. La personne vit ainsi comme un poisson dans un aquarium où elle a façonné le monde à sa mesure. Et tout ce qui existe à l’extérieur ne l’intéresse pas ou, plutôt, ne le veut pas. Le monde devient donc limité, étroit, exigu. Comme dans aquarium, les places sont limitées et, surtout, il n’y a que les poissons qui peuvent y vivre.
L’Algérie est un aquarium géant façonné pour les besoins de quelques gros poissons carnivores. L’air, l’eau, la nourriture, tout ce qu’il y a dans cet aquarium appartient à ces gros poissons. A côté, on retrouve quelques petits poissons qu’on livre pour satisfaire la gourmandise vorace des poissons carnivores. Et c’est ainsi que le monde est fait dans la tête des dirigeants algériens. Les gros poissons qu’ils sont refusent de sortir de leur aquarium doré où ils possèdent tous les avantages y compris le droit de se nourrir des autres. Nos décideurs vivent dans un monde arrêté, hors histoire et à l’abri de toute évolution.
Leur monde est un aquarium qui est fabriqué durant les années 70 où le monde était divisé en tranchées idéologiques. C’est un monde où ils sont le bien et nous sommes le mal, nous simples mortels. Un monde où le citoyen n’existe pas, mais le sujet le remplace. Un monde où la société n’a le droit ni de s’exprimer, ni de sortir manifester, ni de réclamer le droit à la pluralité. Un aquarium où tout est factice, où tout est artificiel au nom d’une certaine illusion de la paix sociale.
Voila ce qui explique la répression dont sont victimes aujourd’hui des jeunes militants algériens désireux de défendre leurs opinions pacifiquement. Samedi dernier à la Place Audin, et aujourd’hui devant le siège du Conseil Constitutionnel, de simples citoyens sans armes, sans haine ni ressentiment, ont été arrêtés, frappés et embarqués dans des camions de police comme de dangereux terroristes juste parce qu’ils ont voulu protester contre la volonté d’un dirigeant, d’un système politique, de se maintenir pour longtemps au pouvoir. La rue est interdite, l’espace public est verrouillé, les télévisions publiques, et la plupart des chaînes privées, sont contrôlées. Les salles, les carrefours, les lieux d’échanges inaccessibles, les partis politiques déstructurés et asservis, les associations assujetties et les tribunaux fossoyés. Le régime algérien ne connait ni le dialogue, ni la négociation ni encore moins les concessions. La vérité, c’est lui. Le bonheur, c’est encore lui. La foi, c’est toujours lui. La loi, c’est naturellement lui.
Dans cet aquarium géant dans lequel nous vivons, nous sommes tous de petits poissons nés dans ce monde pour nourrir les plus gros, les plus puissants. L’ouverture à l’autre, l’émancipation, les libertés publiques, la légitimité politique, la tolérance et même le dessin satirique, toutes ces valeurs sont presque interdites et punies. Etre jeune, c’est aussi déconseillé. Sauf si on est jeune ankylosé et inconscient. Mais un jeune dynamique, actif et engagé, c’est un crime en Algérie. Dans ce pays, plutôt aquarium géant, il faut juste amuser la galerie et épater les visiteurs qui viennent t’offrir une bouchée de pain.
Le reste, c’est haram. Le syndrome de l’aquarium est la pire des maladies. Parce qu’il est d’abord et avant tout une constipation du cerveau et une congélation de l’âme. Le seul remède qui existe est de prendre une pierre et casser une fois pour toute cet aquarium. Mais ce n’est guère aisé…