Le triste destin des cadres Algériens Par Abdou Semmar

Redaction

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Nouvelle stratégie du développement industriel. Développement économique et industriel. Dynamique de production. Le vocabulaire et les concepts utilisés ces derniers jours par nos dirigeants frisent un académisme ridicule. Ridicule parce que notre nouveau siècle nous a appris que le développement, l’industrialisation, ne se décident pas uniquement en suivant une feuille de route conceptuelle dessinée dans un Palais des Nations.

 

Le développement, la croissance économique, l’innovation technologique ou la stratégie industrielle sont des consensus élaborés par des cadres compétents, visionnaires qui expérimentent et concrétisent sur le terrain des idées ainsi que des projets palpables. Aucune puissance mondiale ne s’est développée économiquement en s’appuyant sur les paroles de ses dirigeants politiques. Les stratégies de développement sont façonnées par des cadres intègres en phase avec les évolutions du monde moderne. Ce n’est, malheureusement, pas le cas de nos dirigeants. Quel est le background intellectuel d’un Abdeslam Bouchouareb, l’actuel ministre de l’industrie, ou d’un Abdelmalek Sellal, notre Premier Ministre ? Quels sont leurs mérites intellectuels ? Sont-ils une référence sur la scène internationale pour conduire l’Algérie sur la route du développement ?

La réalité quotidienne de notre mauvaise gouvernance maladive fournit les réponses à ces questions. En revanche, notre pays regorge de cadres compétents dotés d’une formation internationale de qualité. Des cadres dévoués, travailleurs et expérimentés qui ont fait le bonheur de leurs entreprises étrangères ou nationales. Ces cadres-là ont toute leur place au sommet de l’Etat pour nous sortir de l’ornière. Sauf que personne ne leur tend une main solidaire. Pis encore, tout est fait pour les exclure, voire les briser et les stigmatiser. Preuve en est, le projet de loi relatif à la dépénalisation de l’acte de gestion n’est toujours pas adopté.

Le cadre ou le gestionnaire algérien est en permanence menacé, inquiété, mis sous pression par un dispositif judiciaire qui l’empêche de prendre la moindre autonomie dans son travail. Des juges qui ignorent presque tout de la chose économique se permettent de le poursuivre en justice suivant une simple lettre de dénonciation anonyme. Combien de nos cadres ont été placés à tort en détention préventive pendant de longs et terribles mois au nom d’une accusation injuste et infondée ? Rappelons-nous de l’affaire Saïdal en 2009 où des peines allant de 5 à 8 ans de prison ont été alors prononcées à l’encontre du PDG et des cadres supérieurs d’une filiale du groupe pharmaceutique public. Ils ont été accusés d’octroyer des marchés publics de manière douteuse. Cependant, le procès fut expéditif, revanchard et seuls ses cadres ont été sacrifiés alors que les tentacules de ce scandale atteignaient d’autres hautes sphères politiques. L’ex directeur général de Biotic (filière de Saidal), Zaouani Rachid a été lui-aussi victime d’une cabale judiciaire en 2012 lors d’une étrange affaire qui a fait couler beaucoup d’encre. Plusieurs sources concordantes avaient dénoncé un complot ourdi par la mafia du médicament. En réalité, plusieurs indices avaient démontré que ce DG dérangeait l’ancien ministre Abdelhamid Temmar qui voulait privatiser cette entreprise publique. Mais cette piste ne fut jamais explorée par notre Justice si obéissante au pouvoir politique.

On se souvient aussi de la curieuse affaire du Port d’Alger où plusieurs cadres et directeurs généraux ont été condamnés à la prison ferme en 2011 dans une affaire où aucune perte ni aucun préjudice n’ont été enregistrés. Bizarrement, ces procès sont intervenus au moment où les autorités algériennes avaient confié des concessions au niveau du port d’Alger à l’opérateur émirati Dubaï Port. On peut continuer à citer de nombreuses autres affaires où des cadres ont été tout bonnement sacrifiés dans des conditions «judiciaires» on ne peut plus obscures. Dans ce contexte, de nombreux cadres professionnels et compétents ont pris peur et ont opté pour la retraite anticipée laissant des entreprises entières sombrer dans le dysfonctionnement. La suite des évènements, nous la connaissons tous : faillites et importations massives pour répondre aux besoins du pays.

Quelques années plus tard, c’est toujours le même régime politique qui vient nous vanter sa volonté de développer le pays en le réindustrialisant. La blague ne fait rire personne car ce régime n’a profondément pas changé. Le gestionnaire algérien n’est toujours pas libéré de sa peur de la prison. Son implication est encore bridée et limitée. Quant au dégagement de la responsabilité pénale du gestionnaire pour ce qui concerne la faute de gestion ainsi que le non-recours systématique à la détention préventive, ces points figurent dans un projet qui n’est pas encore appliqué. Comment croire dans ces conditions en la sincérité de nos autorités ?

Un pays qui méprise ses talents, menace et emprisonne ses cadres et ses compétences est un pays voué au sous-développement. Cette évidence, Abdeslam Bouchouareb et Abdelmalek Sellal semblent l’ignorer…

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