«Les feux de la chaise» saison 4 Par Abdou Semmar

Redaction

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El Koursi, la chaise, si l’on respecte la traduction littérale. Le Pouvoir, si l’on respecte les finesses et les subtilités du langage populaire algérien, aveugle notre classe politique. Depuis bientôt 20 ans, à la sortie de la crise des terribles années 90, il n’y a que le pouvoir qui compte pour nos dirigeants.

Qu’ils soient militaires, politiques, députés, hommes d’affaires ou simples personnalités nationales influentes, toute cette élite ne veut que le pouvoir. Ni le salut du pays, ni le changement nécessaire, ni la modernisation de l’Algérie ou son développement ne sont au cœur de ses préoccupations.

La preuve : l’absence presque totale d’un projet national mobilisateur. Aucun projet politique sérieux n’est proposé. Aucune alternative capable de réveiller les Algériens de leur léthargie n’est dessinée, élaborée ou même pensée.

Comme dans les précédentes élections présidentielles, celle de 2014 s’enfonce dans une médiocrité sans pareille. Bouteflika qui s’accroche au «Koursi» en s’appuyant sur un bilan désastreux. 4e mandat qu’on veut imposer aux Algériens au nom de la paix et de la sécurité ! Le même langage tenu depuis 1999. Et pourtant, le pays n’est pas en guerre. La paix ne l’a-t-on pas restaurée depuis 99 ? Mais non, la menace vient des pays voisins. OK, mais qu’en est-il du développement économique, du chômage de masse, la réduction des importations, la lutte contre la corruption, etc., et de tous les maux sociaux dont souffre ce pays ? Bouteflika et ses partisans vous répondent par leur programme. Et celui-ci reprend presque les mêmes promesses de 2009. Ce qui n’a nullement été honoré durant les 5 dernières années le sera donc dans les cinq prochaines années. Illogique et peu respectueux de l’intelligence des Algériens, ce discours frise l’insulte.

Mais les autres, les opposants, ne font pas mieux. Benflis critique, élève la voix, mais après 10 ans d’absence au cours desquels il n’a partagé aucun souci avec les Algériens. Un fantôme de retour avec entre ses mains une baguette magique ? Pas vraiment car le monsieur relativise ses ambitions et parle volontiers «d’un mandat de transition» qu’il dirigera lui-même avant de céder la place à la nouvelle génération. Ok, mais une transition gérée par un homme de 70 ans et, qui plus est, ancien chef de gouvernement du même Bouteflika et enfant du même système ne suscite aucun enthousiasme parmi les Algériens. Du moins jusqu’à cette heure-ci.

Louiza Hanoue, la dame qui voit le complot partout et l’invasion américaine même dans un sandwich chawarma, ose dire qu’elle n’est pas un « enfant du système » ! Et pourtant, elle fut député depuis de nombreuses années. Elle a soutenu Bouteflika toutes ces dernières années. Elle touche un salaire du parlement sans même pas faire acte de présence. Alors le système Hanoune, inspiré des livres de la guerre froide, ne convient certainement pas comme remplaçant du système qu’on veut chasser.

Les autres candidats, Belaid, Fewi Rebaine et Moussa Touati, ce n’est guère utile de gaspiller de l’encre sur leurs personnes. Un discours creux, une présence symbolique à travers le pays, un parcours ridicule, ces candidats ne nourrissent même pas le début d’une discussion sérieuse. Et pendant ce-temps là, Mouloud Hamrouche, héros des réformateurs, continue à lancer des appels à l’armée. Pour faire quoi, il ne dit rien d’explicite. Il veut lui aussi un nouveau projet national. Mais lequel ? Il ne propose rien de concret. Finalement, Hamrouche fait tout comme nous, il crie, hurle, réclame et après il s’éclipse.

Les généraux, les hauts gradés de l’armée, s’occupent des contrats d’armement et de l’incorporation de nos jeunes universitaires dans les rangs de l’armée. Le reste, ils s’en contrefichent. Tant qu’ils ont le premier budget de l’Etat, 4e mandat ou pas, ça ne les intéresse pas. Le monde associatif, les hommes de religion, les écrivains, musiciens et autres, pareil ! Tout ce monde-là veut des augmentations de salaires, des subventions, des équipements, des promotions, des autorisations, des voyages à l’étranger, etc. Mais personne, ou presque, ne participe à l’édification d’un nouveau projet pour une nouvelle Algérie. Personne de ces gens-là ne veut se frotter aux vrais algériens pour les écouter, leur parler, débattre avec eux, leur proposer des solutions. Rien, nada ! L’Algérie, un pays avec une élite qui ignore son peuple. Un pays avec des dirigeants qui veulent tous  la même chose : le Koursi !

Quelque soit le prix ou la nature du processus par lequel il faut réussir, l’objectif reste le même : occuper la chaise, le trône. Quant à la question ce qu’il faut faire de l’Algérie, rares sont d’entre nous qui s’en inquiètent réellement. La chaise d’abord et avant tout. Et après la chaise, le déluge. Comme les personnages du fameux feuilleton les Feux de l’amour, nos dirigeants, du passé comme du présent, et même du futur, sont engagés dans une éternelle quête de «Pouvoir»…