Le sable doré pour les uns, la canicule insupportable pour les autres. Les piscines pour les uns, un cruel soleil de plomb pour les autres. Les jus et bières fraîches pour les uns, les coupures d’électricité et de l’eau courante pour les autres. Les jolies filles pour les uns, les rues désertes et poussiéreuses pour les autres. Les uns résident dans les luxueux bungalows de Club des Pins. Les autres habitent dans les douars précaires d’In Salah, une ville située à plus de 1.000 Km au sud de la capitale, au fin fond du Sahara algérien.
Entre le célèbre Club des Pins et la malheureuse ville d’In Salah, il y a tout un monde qui les sépare. Ce n’est même pas le même pays. Et pourtant, administrativement, et administrativement seulement, les deux lieux se trouvent en Algérie. Bizarrement, les habitants de Club des Pins sont censés, et censés seulement, être les hauts responsables qui veillent sur la tranquillité des habitants d’In Salah. Mais les deux mondes ne se connaissent même pas. Au Club des Pins, sous l’ombre des cocotiers artificiels du Sheraton d’Alger, on admire les belles filles qui se déhanchent en bikini au bord d’une piscine où pour y accéder et passer une agréable journée en bronzant sous le soleil, il faut dépenser, consommation y compris, presque 10 mille DA. Il faut quelques fois disposer même d’un abonnement annuel pour intégrer le cercle chic des vacanciers du Club des Pins. Des vacanciers parmi lesquels on compte de nombreux ministres, leurs charmantes descendances, élégantes familles, et des officiers puissants de nos services de renseignements. Les plus influentes de nos personnalités politiques en Algérie occupent toutes un bungalow bien équipé. Des ex-Chefs de Gouvernement, mais encore ministre d’Etat sans portefeuille précis, c’est-à-dire sans une fonction précise ce qui n’empêche pas quee leur portefeuille – le vrai – soit toujours bien rempli, quelques généraux de l’armée ou des hauts cadres de l’Etat, tout ce beau monde habite à la Résidence d’Etat du Club des Pins, une petite principauté avec ses codes, ses lois et ses mœurs.
Cette Algérie d’en haut se repose l’été ici dans un luxe insolent qui traduit bien la santé financière de l’Algérie. Certains bungalows sont aménagés comme des petits châteaux. C’est beau ! Mais ces dirigeants qui méritent de se reposer s’ils travaillaient réellement pour développer un pays, n’entendent même parler des souffrances des autres, ces habitants d’In Salah où le soleil de plomb impose un rythme de vie infernal. Et pendant qu’au Club des Pins, on défile devant les piscines et on admire les jolies filles, à In Salah, le 2 aot dernier, des centaines d’habitants ont bravé des températures dépassant les 55°C pour se rassembler devant le siège de la daïra et protester contre les coupures d’électricité ! Oui ici à In Salah, une région riche en puits de gaz, ces mêmes puits qui fournissent les dollars nécessaires pour le bonheur des résidents de Club des Pins, on arrive à peine à allumer un climatiseur ! Et lorsque l’électricité est conforme aux besoins de la population, à la fin du mois la facture atteint des seuils mirobolants. Mais comme à In Salah, le seul poste d’emploi disponible est celui d’agent de sécurité, très peu de personnes ont un pouvoir d’achat impressionnant. Mais cette réalité, les résidants du Club des Pins l’ignorent. Ici, dans ce charmant club, on ne se rassemble jamais pour exiger des droits élémentaires. Ici, dans ce club prestigieux, on obtient ce que l’on veut en claquant des doigts.
A In Salah, il fait tellement chaud, que personne ne peut exprimer sa colère en mettant le feu à des pneus. Ici, dans cette ville saharienne qui offre à l’Algérie ses pétrodollars, on se bat encore pour avoir le droit de jouir de l’électricité et de l’eau courante. Quant aux jolies filles, piscines et au gazon verdoyant, on n’y rêve même pas. A chacun son Algérie et à chacun son été…