Les nouveaux barbares, par Aziz Benyahia

Redaction

Dans le musée de Mossoul, des hommes armés s’acharnent à coups de massues sur des statues et des fresques pour les faire disparaître définitivement de la mémoire de la civilisation humaine en Mésopotamie. Les images insoutenables ont été diffusées jeudi 26 février dans le monde entier.

Les courageux soldats de Daech ont déclaré qu’ils sont décidés à éliminer tout objet d’idolâtrie, venant ainsi au secours de nos âmes perdues. Ils ont dit qu’ils agissaient au nom de l’islam, tout comme à Banian, à Tombouctou, en Syrie et en Irak. Tout comme les GIA l’ont fait chez nous. Toute cette engeance transnationale brandit le nom d’Allah, sans trop de risque de se faire rappeler à l’ordre ou réduire au silence par leurs mandants. Ces nouveaux barbares se réclament d’une seule mouvance, celle que Abdelwahab Meddeb nomme la déferlante wahhabite-salafiste qui est « en train de transformer l’islam et de conduire ses peuples vers le pire, la régression, l’obscurantisme, la fermeture et le fanatisme. »

Leurs mandants sont en Arabie Saoudite. Ils veulent imposer au monde musulman le wahhabisme érigé en doctrine traduisant leur particulière vision de l’islam. L’Arabie Saoudite dispose des moyens de son ambition et, si elle laisse faire la violence et la barbarie – quand elle ne l’encourage pas – c’est faute d’avoir d’autres leviers plus pacifiques pour convaincre, mais aussi et surtout parce que le système tribal sur lequel repose le Pouvoir actuel, autorise toutes les surenchères possibles pour se rallier les chefs des tribus, qui ne sont pas, loin s’en faut, des parangons d’érudition, de culture et spiritualité. Le phénomène est culturel et traditionnel avant d’être idéologique. Il suffit d’interroger l’histoire.

Le Prophète (QSSL) eut avec les bédouins les plus grandes peines à les amener à réfléchir à la nouvelle religion qui venait d’être révélée aux hommes. On les oppose aux sédentaires « parce qu’ils furent durant fort longtemps de redoutables ennemis pour les croyants ou alors des alliés déloyaux à l’égard du Prophète (QSSL). »

« Les bédouins sont les négateurs les plus endurcis, les hypocrites les plus sournois et les plus enclins à ne pas faire cas des préceptes que Dieu a révélés à Son Prophète. » Coran 9/98.

Ce sont ces mêmes bédouins, aujourd’hui riches à crever, qui arrivent à cloner, jour après jour, à coups de dollars, les nouveaux saigneurs de la guerre sainte. C’est par le sang qu’ils veulent faire passer leur message : éliminer toute trace de civilisation. Quelle qu’elle soit.

Chaque jour qui passe, nous apporte son lot de mauvais présages ou de mauvaises nouvelles. On pensait que le monde allait enfin faire la différence entre ces hordes de l’Etat Islamique et l’islam, entre ces prédicateurs d’un autre âge, et des hommes et des femmes qui ne demandent qu’à vivre en paix, à l’instar des autres peuples et des autres civilisations. Eh bien non !

Ces êtres sauvages sont obsédés par une seule idée : revenir à l’islam du premier jour de la révélation afin, disent-ils, de préserver sa pureté et le mettre à l’abri de toute contagion venue des mécréants.

Ils perpétuent la même obsession que leurs ancêtres bédouins, réfractaires à tout ce qui vient de la ville et à tout ce qui risque de lever le voile sur des mœurs et un mode de vie, qu’aucun barbare ne renierait.

Faute d’autre argument faisant appel à la raison pour comprendre ce qui vient de se passer à Mossoul, nous avons toutes les raisons de nous inquiéter en prévision de l’inimaginable, parce que nous n’utilisons pas du tout les mêmes clés pour comprendre le monde et que nous n’avons pas du tout la même compréhension du message divin. Nous avons affaire à des sauvages. A nous de nous préparer sans leur céder le moindre pouce de terrain, ni leur accorder la moindre compassion. A nous aussi d’interpeler nos gouvernants pour leur rappeler leurs responsabilités face à ce qui menace l’islam lui-même, bien avant de faire peur à l’Occident.

La question qui nous est posée aujourd’hui est très simple. Ou bien nous sommes d’accord avec Daech et dans ce cas il faut le dire. Ou bien nous ne sommes pas d’accord et dans ce cas il faut agir. Toute autre attitude de la part de nos dirigeants ne signifie rien d’autre qu’une complicité active ou passive et ils seraient dans la meilleure des hypothèses, soit des pleutres soit des lâches. Il ne suffit pas de condamner du bout des lèvres. Il faut agir ensemble au nom de l’islam précisément.