« Les vrais ennemis de l’Algérie sont… les Algériens » Par Abdou Semmar

Redaction

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En novembre 2014, le constructeur français Renault s’installe en Algérie et inaugure une usine de montage de véhicules. C’est l’occasion inespérée pour l’Algérie de se doter d’une industrie mécanique, de montage certes, mais une industrie mécanique quand même.

Le constructeur français promet aux autorités algériennes d’œuvrer pour développer un tissu de sous-traitants locaux afin d’augmenter significativement le taux d’intégration des véhicules montés en Algérie. Renault fait un premier pas et contacte la filiale d’une holding publique activant dans l’industrie mécanique depuis les années 70. Le constructeur français envisage de former les jeunes ingénieurs de cette entreprise publique afin de fabriquer ici même l’un des composants de la Symbol, au lieu de l’importer de l’étranger. La première étape de cet ambitieux projet commence par la sélection de plusieurs jeunes ingénieurs en vue de les envoyer en formation en Pologne, chez l’un des sous-traitants de Renault. Une formation à la fin de laquelle les ingénieurs sont censés revenir avec des des connaissances à même de leur permettre de fabriquer ce composant en Algérie et offrir, par ricochet, à leur pays un nouveau savoir-faire.

Sauf que les personnes sélectionnées par l’entreprise publique algérienne pour cette formation en Pologne ne sont guère de jeunes ingénieurs sur lesquels pourraient reposer les espoirs d’une industrie mécanique algérienne naissante. Finalement et conformément au sacro-saint favoritisme algérien, les hauts responsables de l’entreprise étatique algérienne offrent cette formation à l’étranger à leurs enfants et proches. Renault découvre la supercherie et suspend sa coopération avec cette entreprise publique. Le constructeur français se résigne à importer ce composant de Pologne et abandonne son projet de le fabriquer localement. Notre pays perd un autre projet d’investissement susceptible de créer de la richesse, des emplois et de réduire nos importations. Un projet gâché par la corruption et le népotisme, les deux sports favoris des Algériens.

A Biskra, un autre investisseur étranger, le français Saint-Gobain en l’occurrence, achete une unité de fabrication de plâtre en 2007. Il a de grands rêves pour l’Algérie: développer une véritable activité industrielle pour booster économiquement toute une région. Mais, quelques mois après l’entame de cet important projet, un haut gradé de la gendarmerie nationale de la région se présente à l’un des responsables de cette usine. Il exige que son fils soit recruté sans tenir compte du moindre critère de compétence. Un manager algérien nommé par la compagnie française refuse et demande à examiner le CV du rejeton de ce haut responsable. Ce dernier s’énerve et profère des menaces immédiatement mises à exécution. En effet, ce chef de la gendarmerie poste un barrage routier avec pour vocation d' »accoster » tous les camions se dirigeant vers cette usine, les contrôlant avec la plus grande « minutie »  et interpellant leurs chauffeurs sans aucun motif valable et sans qu’aucune infraction ne soit commise. Des millions de dinars sont perdus chaque jour. Il aura fallu que l’entreprise française interpelle les plus hautes autorités pour que ce « souci » soit résolu.

A Alger, un manager français d’une grande compagnie allemande, qui fabrique et commercialise des engins de travaux publics, reçoit toujours la même proposition lorsqu’il négocie avec les responsables des administrations et entreprises publiques algériennes: « Donnes-nous un pourcentage et nos entreprises t’achèteront  tes engins » ! Devant ces tentatives de corruption et ces pratiques mafieuses, ce manager français, qui a sillonné le monde entier et qui n’a jamais vu un pays aussi rongé par de tels fléaux, n’hésite pas à prononcer cette terrible sentence:  « Les vrais ennemis de l’Algérie… sont les Algériens ». « Un pays détruit par ses propres fils, c’est triste de le constater », déplore-t-il.

Ni transparence ni bon sens. L’intérêt général est le dernier souci des Algériens. Se remplir les poches et vider les caisses de son pays, tels semblent être l’objectif primordial des responsables. A partir de là, est-il possible de construire une nouvelle Algérie, de la développer et de la protéger ? Une Algérie prospère et épanouie a besoin surtout d’hommes et de femmes sincères et honnêtes. Vœu pieux? Espérons que non.