Le moins qu’on puisse dire c’est que votre récent séjour en Algérie a suscité quelques remous chez vous en France, au prétexte que vous auriez commis un sacrilège en appelant les choses par leurs noms. C’est vrai que la sémantique et la polysémie quand elles sont manipulées par des mains expertes réservent toujours des surprises et servent toujours de paravent commode aux pleutres et aux hypocrites. Ce n’est pas votre cas et cela indispose.
Tout le monde a noté le silence assourdissant de monsieur Badinter, grand pourfendeur de la colonisation, après l’adoption par le parlement israélien d’une loi autorisant tout simplement la colonisation légale à ciel ouvert et la nique publique aux Nations-Unies et à la terre entière. Pas une seule voix chez les Socialistes français qui pourtant s’étaient fait les dents sur les luttes anticoloniales et la libération des peuples. Et c’est parce que vous échappez à ces cercles convenus que vous dérangez.
Et comme vous n’en êtes pas et que vous avez eu suffisamment de respect pour l’histoire et le souci de la vérité, vous avez osé nommer les choses et cela vous a valu des tombereaux de critiques malveillantes. Les voix socialistes ont condamné vos propos sur les méfaits de la colonisation, à l’unisson de celles du Front National et de Les Républicains, malgré le ridicule de l’habillage ( ah ! la sémantique ). C’est tout simplement inimaginable.
J’ai revu plusieurs fois votre dernière mise au point sur les réseaux et je ne peux que saluer la dignité et pour tout dire le courage qui ponctuent chaque mot de votre discours. Vous appelez tout le monde à « clôturer le deuil », à « laisser le passé passer », à « cesser de nous renvoyer le passé à la figure », à « construire une relation nouvelle » et à « réconcilier les mémoires pour fonder une relation nouvelle nouvelle entre la France et l’Algérie ». De Gaulle et Adenauer n’auraient pas changé un iota. Ils ont appelé à la réconciliation franco-allemande et ils y sont arrivés.
Pourquoi cela nous serait-il interdit aujourd’hui ?
C’est ainsi que nous avons ici en Algérie compris votre message et croyez monsieur Macron que nous y souscrivons pleinement.
La presse a fait état de la chaleur de l’accueil qui vous a été réservé. Vous le devez à votre sincérité et à votre courage car ici nous aimons et nous respectons ceux de nos partenaires qui nous abordent avec franchise et sincérité et nous sommes très ombrageux dès que nous percevons des velléités de paternalisme ou de tutorat.
Vous avez appelé à nous tourner vers l’avenir mais aussi à tout dire sur le passé et sur la colonisation, à dire que « c’est une injustice » et que « c’est encore une souffrance » et que nos deux pays devraient plus que jamais regarder vers l’avenir et bâtir ensemble un futur formidablement prometteur. Comment ne pas y souscrire ?
Notre pays a évolué plus rapidement que le vôtre sur ces questions. Nous ne pouvons que le déplorer et même parfois relever des moments tragi-comiques chez vous lorsqu’on entend encore crier dans le midi de la France « Algérie Française », tout comme chez nous du reste, quand on continue à accuser la colonisation de nos retards actuels.
Vous avez semé monsieur Macron, des graines d’espoir. Nous vous assurons que « les moissons passeront la promesse des fleurs ». Soyez convaincu que nous appelons de tous nos vœux la réconciliation que nous attendons depuis tout ce temps et que chez vous des vents contraires refusent obstinément pour des raisons que vous devinez.
Dites chez vous, monsieur Macron, à nos amis Français qu’il n’y a aucune haine en nous, que nous avons notre passé et vous avez le vôtre ; vous avez votre roman national et nous avons le nôtre et que nous pouvons ensemble ; la France et le Maghreb, réaliser des miracles si nous en avons la volonté et le courage. Nous y sommes prêts.