Il s’appelle Magid. Il est Algérien. Enfin, un Français d’origine algérienne. Ou plutôt un franco-algérien. Pour d’autres, c’est un Algérien de France. Les appellations sont multiples, les concepts divergent. Ils sont nuancés, mais se rejoignent pour désigner cette diaspora algérienne qui fait le bonheur de la France. Et la frustration de l’Algérie.
De la frustration, Magid en a connue avant qu’il ne devienne un grand chirurgien en France. Ce natif de Kabylie a quitté son pays et son village natal tout jeune pour rejoindre son père travaillant à «la reconstruction de la France » ravagée par les guerres successives. Il va connaitre, enfant, une France peu accueillante, inhospitalière. Le racisme anti-algérien, anti-maghrébin, est bien réel. On lui rappelle sans cesse ses origines. Enfant, adolescent, jeune adulte, il est toujours pris en otage par cette haine assumée des nostalgiques de l’Algérie française. Mais Magid ne baisse jamais les bras.
Il ne se laisse jamais abattre par le racisme, la discrimination et l’exclusion sociale dont sont victimes les familles des ouvriers algériens et plus généralement maghrébins, en France. Il perce. Il brille. Et aux débuts des années 2000, notre chirurgien se retrouve à l’hôpital de Saint-Cloud. Dans cette agglomération de la proche banlieue parisienne se trouve l’ancien siège du Front National, le parti politique d’extrême droite dont le leader, Jean-Marie Le Pen, aime les Algériens, mais «chez-eux de l’autre coté la Méditerranée» ou «en point de mire d’un fusil»…
Le hasard ne reconnait pas la géographie, ni les origines ethniques ou religieuses. Un soir, la famille Le Pen se déplace en urgence à l’hôpital de Saint-Cloud pour subir des soins intensifs. C’est Pierrette Le Pen, l’ancienne épouse de Jean-Marie Le Pen, qui se présente, en personne, à notre chirurgien Magid. L’Algérien, tant détesté et méprisé, se charge de soigner la femme de celui qui voulait massacrer «l’indigène» avant notre Indépendance. Pierrette aperçoit chez Magid un professionnalisme, un sens moral et une droiture extraordinaires. Quelques temps plus tard, le médecin algérien de garde dans son hôpital de Saint-Cloud, se retrouve soignant les enfants de Marine Le Pen. La femme devenue en janvier 2011, la présidente du Front National.
Petit à petit, à Saint-Cloud, Magid soigne toute la famille Le Pen. L’Algérien qui soulage le raciste français. L’Algérien qui entretient la santé du Français qui aspire à l’expulser, le chasser, le bannir de cet Hexagone à la pureté fantasmagorique. Le Front National quitte son siège de Saint-Cloud. Mais, Magid continue de superviser la famille Le Pen. Il impose le respect, l’estime et la considération à ces «fachos».
Mais Magid, jusqu’à aujourd’hui encore, ne bénéficie pas du respect, de la considération et de l’estime de son pays natal, l’Algérie. Dans son pays d’origine, le président de la République, lui, est soigné par un médecin français. Dans son pays d’origine, les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, luttent contre leurs souffrances dans des hôpitaux misérables où le manque de médecins n’a d’égal que la pénurie des médicaments. Magid revient souvent en Algérie pour épauler ses confrères dans leur dure besogne quotidienne dans nos hôpitaux mouroirs. Des médecins algériens comme Magid, il y en a plus de 20 mille en France, selon des chiffres officiels. 39,7 % des diplômés étrangers en médecine qui exercent en France sont originaires…d’Algérie, a révélé récemment une étude du Conseil français de l’Ordre des médecins (CNOM). Mais ces brillants et valeureux médecins algériens, Abdelaziz Bouteflika, ne les a pas croisés puisqu’il est entre les mains d’un médecin français. « Plus français » que celui qui a soigné la famille Le Pen à Saint-Cloud.
Bouteflika se fiche, surement et royalement, de Magid. Mais, Magid ne se fiche pas autant du pays de Bouteflika, le pays de son enfance et de ses racines. Il rêve de voir ses compatriotes aussi bien soignés que les Français. Magid, incarne à lui seul ce «partenariat» d’exception que veut bâtir François Hollande entre l’Algérie et la France. Il suffit pour cela que l’Algérie daigne enfin traiter avec respect et considération sa brillante diaspora en France