La participation de l’Algérie à la Coupe du Monde 2014 ne fait pas beaucoup de bien à la France. Du moins à une partie de la France, qui persiste à croire qu’à chaque match de la sélection algérienne, des incidents éclatent et des supporters violents sèment le trouble dans les villes de leur pays bien-aimé.
Des supporters algériens ? Pas vraiment car ces «énergumènes» n’ont absolument rien d’algérien ! Jusqu’à aujourd’hui encore, les Français refusent toujours d’admettre que la majorité écrasante de ces «supporters violents», qui cassent des magasins et affrontent les policiers lors des bruyants défilés célébrant chaque victoire de la sélection algérienne, sont d’abord et avant-tout leurs propres compatriotes. Ils sont nés en France, ont grandi en France, ont été scolarisés en France, travaillent ou «trafiquent» en France, parlent et s’expriment en français. Ils s’appellent, certes, Mohammed, Yacine, Abdellah ou Amine, mais la consonance arabe ou coranique de leur prénom ne leur procure aucune «algérianité». Ils sont, aussi, les descendants de citoyens algériens, mais que connaissent-ils de cette Algérie si ce n’est le T-shirt ou maillot d’un Yebda, Taïder ou Medjani ? Supporter d’une équipe nationale de football n’a jamais été le premier critère pour établir la nationalité d’un homme ou d’une femme. Ces supporters aiment peut-être l’Algérie, peut-être fantasment-ils sur leur pays d’origine, mais leur véritable pays demeure la France. La majorité de ces jeunes accusés de délinquance n’ont jamais vu l’Algérie – le bled comme ils disent. Et s’ils se comportent mal, violent des règles ou des lois et commettent des impairs, leur attitude s’inscrit surtout dans un contexte social et politique propre à la France qui ne concerne ni de près ni de loin l’Algérie.
Ce n’est certainement pas l’Algérie qui a décidé de les parquer dans des banlieues précaires et dépourvues «des bienfaits de la civilisation française». Ce n’est pas l’Algérie qui les discrimine lorsqu’ils se présentent à des entretiens d’embauche. Ce n’est pas l’Algérie qui les rejette lorsqu’ils demandent des logements dans des quartiers bourgeois, simplement parce qu’ils portent un nom arabe. Ce n’est pas l’Algérie qui les empêche d’accéder aux plus prestigieuses écoles supérieures françaises. Et pourtant, en 2014, de nombreuses chapelles médiatiques françaises tiennent indirectement pour responsable l’Algérie de la crise des banlieues française. Des médias comme Valeurs Actuelles, Minute et même Le Figaro appellent ces «banlieusards» des Algériens. Et, selon Valeurs Actuelles, si la Mairie de Paris a refusé d’installer des écrans géants pour retransmettre les matches de la Coupe du Monde, c’est à cause de ces «violents supporters algériens».
Or, aucune enquête ou investigation sérieuse n’a prouvé que des Algériens traversent toute la Méditerranée pour aller saccager des magasins français à Paris après une victoire de leur équipe nationale. Malheureusement pour ces chapelles médiatiques françaises, les Algériens ne sont pas aussi fous et fanatiques que le laissent entendre leurs poncifs. Leur imputer toute la responsabilité de la crise des banlieues françaises est un mensonge haineux qui frise le ridicule. «La haine, c’est la colère des faibles», disait le très français Alphonse Daudet. Il est peut-être temps que les élites françaises fassent leur introspection et arrêtent de considérer leurs banlieues comme des territoires étrangers, qu’il faut haïr et mépriser. Ces banlieues, messieurs les Français, font partie intégrante de votre pays, votre territoire, votre nation. Ils ne sont guère une wilaya Algérienne. Leurs misères et leurs problèmes sont le reflet des désillusions, ignorances et dysfonctionnements de votre société. L’Algérie, derrière la Méditerranée, observe cela avec beaucoup d’étonnement et d’humour. Elle se dit qu’au moins, elle n’est pas le seul pays au monde où le rejet de l’autre engendre les pires absurdités…