Non ! Nous refusons d’être mis dans le même sac que des assassins sanguinaires

Redaction

Le 14 juillet 2016, un camion fou tue à Nice des dizaines d’innocents venus célébrer la libération de leur pays. Le tueur est musulman. On s’attend immédiatement au flot habituel d’amalgames et de stigmatisations et surtout aux demandes de pénitence comme si les millions de Français musulmans avaient armé le tueur. Le spectacle de la mort violente s’est installé dans nos foyers au point d’égarer durablement nos repères.

Ainsi, à force de côtoyer la violence on finit par ne même plus s’indigner, ou tout du moins par ne plus exprimer publiquement sa compassion. La nature humaine est ainsi faite qu’elle finit par s’habituer aux situations les plus invraisemblables. Comme celle de relativiser le nombre des victimes ou la gravité des dégâts dans un exercice de comparaisons macabres. Les milliers de morts sous les bombes israéliennes à Ghaza ont fait oublier les exécutions sommaires des camps de Sabra et Chatila.

L’outrance d’aujourd’hui fait oublier l’outrance de la veille. La petite dernière des Le Pen parle de racaille en désignant les Français descendants de parents maghrébins, Eric Zemmour, Alain Finkielkrault, Elizabeth Lévy disent pis que pendre des arabes, de l’islam et des musulmans sans que personne ne s’en émeuve. On finit par s’y habituer et la cause devient entendue dans l’inconscient des gens. Personne ne leur demande d’explication. Aucune autorité ne leur demande des comptes. C’est ainsi qu’on a fini par hiérarchiser les victimes et les indignations.

Ici, chez nous, nous n’avons pas demandé pour autant aux Français de se désolidariser de ces personnalités à qui on tend quotidiennement le micro pour vomir leurs abominations. Selon que vous soyez riche ou misérable, anonyme ou puissant, on vous épargne les soupçons et les reproches ou on vous somme de prouver votre innocence et de condamner avec force tous les hurluberlus qui tuent et massacrent au nom de votre religion, sans vous demander votre avis. Alors, la foule attend de nous la preuve de notre innocence, la condamnation publique des assassins et notre arrivée à Canossa. Tout ceci parce que quelqu’un a décidé de tuer au nom de notre religion.

Tant et si souvent, que pour échapper à la vindicte populaire et à la condamnation sans appel par les médias, les musulmans de France ont fini par céder quelquefois au chantage pour ne plus souffrir du syndrome « charlie ». Récemment à Mantes la jolie ils avaient défilé par milliers pour exprimer leur indignation parce que l’un des leurs avait assassiné un policier et son épouse. Leur cortège était soigneusement évité par celui « légitime » des non-musulmans, pour éviter d’éventuelles frictions ; manière tout à fait claire de leur signifier que leur pénitence était plutôt feinte. Ils s’attendaient à une bonne note. Au lieu d’un « bien », ce fut un « peut mieux faire ».

Alors ? Rendez-vous au prochain massacre par un prochain illuminé pour remettre une meilleure copie ? Eh bien, non !

Non messieurs ! Nous refusons qu’on continue à inverser la charge de la preuve chaque fois qu’on se permet de nous juger.

Nous refusons de continuer à être enfermés dans une solidarité identitaire ou confessionnelle qui n’est ni logique, ni raisonnable ni même circonstanciée. Dans les pires moments de son histoire, le peuple algérien pourtant largement illettré, n’a demandé au Peuple de France de condamner Les généraux Massu et Salan ni de désavouer Aussarès ou Le Pen, pas plus qu’il n’a confondu le drapeau et le porte-drapeau.

Non messieurs ! Nous refusons d’être mis dans le même sac que des assassins sanguinaires au prétexte qu’ils se réclament d’une religion prétendument partagée. Nous les condamnons avec autant de force si ce n’est d’avantage que vous. Mais cela se fera toujours à notre rythme et certainement pas sous la contrainte.

Sachez aussi que nous ne vous demanderons pas de rappeler à l’ordre, ni de condamner votre premier ministre, ni votre ancien Président dans leurs exercices favoris de critique de notre pays ou quand ils moquent la maladie de notre Président. Alors ayez l’élégance de la réciprocité, même si cela vous agace de recevoir des conseils de savoir-vivre d’anciens indigènes.

Aziz Beyahia