Un peu partout dans le monde, une élection présidentielle est un débat d’idées, une confrontation entre projets de société, une dialectique qui oppose diverses visions du monde et réflexions sur la gouvernance d’un pays. En Algérie, rien de tout cela n’est présent, du moins pour l’heure, dans cette élection présidentielle où le populisme et la langue de bois révulsent les cœurs et dégoûtent les bonnes âmes.
Depuis le début de l’année 2014, les Algériens assistent ébahis à une inflation des candidatures à la magistrature suprême. Plus de 85 candidats se sont présentés au Conseil Constitutionnel pour présenter leurs dossiers de candidature et prétendre à la succession d’Abdelaziz Bouteflika. Beaucoup de ces candidats ont d’ores et déjà commencé leur campagne en vue de draguer les Algériens, ces citoyens sceptiques et fatalistes qui ont rompu avec la politique depuis des années. Malheureusement, rien ne semble pouvoir remédier à cette rupture.
Cette élection présidentielle, telle qu’elle est menée et dirigée en ce moment, ne facilite guère la réconciliation des Algériens avec la politique. Les candidats en lice font preuve d’une médiocrité sans précédent. Chacun promet la lune aux Algériens, et très peu tentent vraiment de produire une analyse rationnelle qui réveille le bon sens de nos concitoyens. Si pour l’un, l’Algérie sera l’Allemagne de demain, un autre nous propose d’organiser une Coupe du Monde sur notre sol ! Des discours sémantiquement stériles, des programmes réduits à des généralités que même un écolier saurait imaginer, des interventions médiatiques qui se transforment en sketch, le ridicule spectacle politique proposé par la majorité des candidats aura suffit pour jeter encore le discrédit sur le scrutin présidentiel.
Mais le pire est encore à venir. Le pire est dans cet imaginaire politique que colportent maladroitement tous les politiciens de notre pays. Un imaginaire qui fait croire que l’Algérien est uniquement un ventre affamé. Les Algériens, des bouches à nourrir pour les faire taire. La voilà l’image que nos futurs présidents ont de nous les Algériens, ce peuple à qui on refuse l’intelligence et le raffinement de la pensée. Dans chaque discours, ces candidats nous promettent la richesse, la répartition de l’argent du pétrole, les logements, les mariages collectifs, les voitures et les infrastructures flambant neuves. Mais qu’en est-il des libertés publiques, de la justice, de l’égalité sociale et de la fin de la corruption ? Très peu de candidats n’osent encore s’attaquer à ces problématiques. Si certains le font, ils nous bombardent de phraséologies simplistes et creuses sans aucune notion concrète.
Un Etat de droit, une justice équitable pour tous, une école républicaine efficace, une liberté d’expression promue et protégée, ce sont aussi les préoccupations de ces Algériens avides de liberté et de joie de vivre. Non, nous ne sommes pas uniquement un peuple de mangeur de pains, de pomme de terre, de blé et de viandes fraîches. Nous ne sommes pas de simples buveurs d’eau minérale, bières ou de jus de fruits. Nous, les Algériens, nous ne sommes que des ventres affamés et des bouches asséchées. Nous sommes aussi des âmes en quête de liberté, d’épanouissement et d’émancipation. Nous ne fantasmons pas que sur un baril de pétrole, un logement en béton ou un bidon d’huile. Nous rêvons aussi d’un pays libre, d’une société tolérante, d’un Etat efficient, égalitaire et soucieux de nos libertés publiques.
Nos voix se méritent, elles ne s’achètent. Elles ne s’achètent pas avec des promesses d’augmentations de salaires, de distribution de logements ou d’eplois dans la fonction publique. Nos voix se conquièrent aussi avec de véritables engagements en faveur de la liberté de manifester dans nos rues, la liberté de s’exprimer sans risquer des poursuites judiciaires et des emprisonnements, la liberté de voyager, de communiquer et de s’aimer. Alors chers candidats, si vous n’êtes pas capables de mériter nos voix, cessez de tenter des les acheter. Nous valons plus, beaucoup plus que cet infâme marchandage…