Nos femmes, nos mères et nos sœurs ne méritent pas ça! Par Abdou Semmar

Redaction

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«Le scandale est souvent pire que le péché», avait dit un jour une reine française du nom de Marguerite de Navarre. Malheureusement, en Algérie, le scandale est souvent considéré comme une vertu. Rien n’est presque fait pour l’éviter et tout est régulièrement orchestré pour tirer profit de la situation qu’il créé ou entretient.

Le scandale n’émeut plus personne en Algérie. Il ne choque plus. Il ne bouleverse point les consciences ni ne trouble les esprits. Le scandale, en Algérie, c’est la routine. Preuve en est, les images insoutenables de la maternité de l’hôpital de Constantine n’ont suscité aucune réaction officielle. Un tsunami d’émotion a submergé les réseaux sociaux. Des millions de commentaires, de dénonciations, de condamnations. Les internautes algériens ont crié leur rage, leur colère. Et en haut lieu, ça ronronne. Aucun responsable n’a pris la parole pour s’exprimer, s’excuser, s’expliquer ou annoncer des mesures urgentes pour parer à cet invraisemblable désastre.

En 2015, deux femmes, voire plus, doivent se serrer, telles des sardines en boite, sur un même lit. Des bébés entassés à trois dans le même bocal. Des salles d’accouchement où gambadent, au vu et au su des médecins et d’infirmiers impuissants, insectes et vers. Aux prises avec la prolifération de punaises, les infirmières ne savent à quel saint se vouer pour aider les parturientes à donner la vie. Ces conditions sont inhumaines, bestiales. Oui, bestiales et c’est peu de le dire ! Dans les pays développés, même dans les fermes, les animaux mettent bas dans un environnement plus favorable ! La réalité de cette maternité de Constantine est si cruelle, si amère que même la très propagandiste ENTV a fini par faire fi de la censure pour diffuser un reportage sur cette réalité infâme. Devant les caméras, les médecins se lâchent et vident leur sac : des appareils médicaux vétustes ou carrément en panne,  des personnels paramédicaux en nombre insignifiant, une insalubrité répugnante, etc. Comment est-ce possible ? Comment des Algériennes acceptent-elles d’accoucher dans de telles conditions, s’interrogent certains ? Ont-elles seulement le choix ? Certainement pas. La précarité de leur situation sociale ne leur permet pas, en effet, de se rendre dans les cliniques privées pour un accouchement propre à 40 mille dinars.

Parce qu’elles sont pauvres, originaires de wilayas enclavées de l’est algérien, parce qu’elles ne sont pas épouses de militaires hauts gradés, d’hommes d’affaires aux fortunes douteuses, de députés grassement payés pour lever la main encore et encore,  ces Algériennes des bas-fonds sont traitées comme du bétail. Ce n’est pas du ressenti, c’est la pure réalité. Quand une femme algérienne donne la vie en compagnie de vers, d’insectes et de rats, cela signifie qu’elle n’a plus aucune dignité aux yeux de ses dirigeants. Quand une femme algérienne donne naissance à un enfant sur des lits souillés par des flaques de sang, cela signifie qu’elle a perdu toute valeur aux yeux de sa société. Comment cette même mère algérienne peut-elle inculquer le sens de l’honneur, l’amour du pays, le respect de l’autre et l’élégance morale lorsque son enfant partage le même bocal avec trois autres bébés ? Comment cette même mère peut-elle éduquer sainement son enfant quand elle accouche dans un décor de film d’horreur ?

A cause de ces hôpitaux-mouroirs, l’Algérien est brisé dès sa naissance. Il est accueilli à la vie par la saleté, la maladie, l’anarchie et l’abandon. Comment peut-on faire, plus tard, de cet Algérien un citoyen à part entière ? L’hôpital de Constantine et tous les autres hôpitaux algériens, sont une offense au peuple algérien. Ce n’est plus de la non-assistance à peuple en danger, mais un véritable crime prémédité. Pour moins que ça, sous d’autres cieux, de hauts responsables ont été traduits devant les tribunaux. Dans un autre pays, où le bon sens régit la politique, le ministre de la Santé, le wali et même le chef du gouvernement se retrouveraient démis de leurs fonctions et bannis des affaires publiques. Mais, en Algérie, rien de cela n’est possible. Pourquoi ? Parce que ces dirigeants font partie de l’Algérie d’en haut. Et les femmes de l’Algérie d’en haut n’accouchent pas à la maternité de l’hôpital de Constantine. Non, ces femmes-là vont à Paris, Toulouse, Lyon ou Genève pour ce faire. Là-bas la dignité de l’être humain a encore un sens. Pas comme ici. A chacun son destin. Nos femmes, mères, sœurs ou filles ne méritent vraiment pas ça…

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