Eco. Quand Bouteflika reçoit Delanoë, ils parlent du parc immobilier d’Alger par Hassan Haddouche

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Décidément l’état peu reluisant de notre patrimoine immobilier semble intéresser de plus en plus de monde. Le président Abdelaziz Bouteflika a reçu mardi 26 novembre Bertrand Delanoë. Au cours de l’audience, le maire de Paris a présenté au président algérien  « un exposé sur les projets communs entre les deux capitales  et sur les perspectives d’une coopération  à long terme, en matière de gestion urbaine».

La ville de Paris compte participer à l’opération de rénovation et de réhabilitation de la ville d’Alger, notamment des immeubles vétustes, avait déjà indiqué lundi à Alger le maire de Paris. M. Delanoë a affirmé, au cours d’une conférence de presse animée à l’issue d’une visite au jardin d’Essai d’Alger, que la ville de Paris entendait « accompagner l’ambition de la wilaya d’Alger dans la rénovation d’une large promenade ». M. Delanoë a précisé,  que la coopération entre les deux capitales concernera la réhabilitation des immeubles ayant connu des dégradations, précisant qu’une société parisienne apportera son expertise dans cette opération. »Je sens l’ambition d’Alger pour être une grande métropole mondiale qui s’inscrit dans le développement durable, et qui sert à la fois la qualité de vie des Algérois, le développement économique et l’ambition environnementale » a déclaré le Maire de Paris.

Il est largement  temps et toutes les bonnes volontés seront certainement les bienvenues. L’opération de réhabilitation du bâti ancien, qui commence à donner des résultats visibles dans quelques grandes villes du pays, peut sauver un patrimoine immobilier important. Elle pourrait aussi donner un nouveau visage à nos centres-ville qui, au fil des ans, ont fini par  afficher le spectacle familier et démoralisant de façades décrépies, de balcons effondrés, de cages d’escalier à l’abandon, de canalisations percées, de terrasses squattées et de caves inondées… A Alger, à Oran, à Constantine, les travaux ont démarré. Dans la capitale, les immeubles du front de mer, de la rue Ben-M’hidi et des environs de la Grande Poste retrouvent peu à peu  leur lustre, leur aspect cossu et leurs couleurs d’origine. En dépit d’une communication inexistante ou fragmentaire des pouvoirs publics, il semble  que les opérations en cours résultent d’une décision prise par un conseil interministériel datant de l’année 2008. Les premiers travaux ont commencé seulement en avril 2010. Ils devraient concerner un peu plus d’une vingtaine de villes du pays. Le budget affecté à cette  réhabilitation dépasse 36 milliards de dinars (environ un demi milliard de dollars) avec un niveau de consommation  des crédits qui reste  encore modeste  faute d’entreprises de réalisation qualifiées, ainsi que l’a encore précisé en octobre dernier l’ex Wali d’Alger au cours d’une de ses dernières interventions publiques.

Le casse-tête de la  gestion immobilière

Si le lancement de cette opération constitue une bonne nouvelle, elle devrait néanmoins rester limitée à une fraction modeste du parc immobilier collectif. Elle souligne à nouveau les limites des modes d’intervention et de financement appliqués dans le domaine de la maintenance et de l’entretien  de notre parc immobilier au cours des dernières décennies. Et la contribution de la ville de Paris même si elle est la bienvenue, ne pourra malheureusement pas y changer grand-chose.

Selon des statistiques récentes, l’Algérie compterait aujourd’hui un peu plus de 4,5 millions de logements collectifs. Environ un quart d’entre eux sont des logements sociaux dont le parc est géré par des organismes publics, les OPGI, dont les gestionnaires se plaignent régulièrement de la modicité des loyers et surtout de leur faible taux de recouvrement qui ne dépasserait pas en moyenne 50% à l’échelle nationale avec de fortes disparités locales. Une situation qui est évoquée régulièrement comme la principale explication du  mauvais état général de cette partie du parc de logements national et du caractère défaillant de son entretien par les responsables des organismes concernés. Une des raisons aussi qui a poussé l’Etat algérien à proposer; voici quelques mois, la cession d’une grande partie de ce parc de logements à leurs actuels locataires. On ne connait pas encore le bilan de cette opération.

La copropriété, une fiction juridique

Le reste du parc immobilier collectif algérien relève  théoriquement et légalement  du régime de la copropriété. En dépit de l’apparition dans une période récente de nombreux “comités d’immeubles” dans certains quartiers des grandes villes du pays, la copropriété reste largement une fiction juridique. Dans les faits, la gestion du parc immobilier et son entretien est  resté  à la charge de l’Etat algérien.

Ni la cession des biens de l’état à partir de 1980, ni l’accélération sensible des programmes de réalisation de logements collectifs en accession à la propriété depuis le début des années 2000 n’ont changé les choses. Pour Djamel Souissi, qui anime à Alger un comité de quartier , les textes régissant la copropriété sont inopérants dans le contexte algérien : “Dans le meilleur des cas, les syndics, quand ils existent, gèrent le passage hebdomadaire d’une femme de ménage et l’entretien de la minuterie.”  La seule expérience innovante dans ce domaine au cours des dernières années concerne la formule location-vente AADL que ses initiateurs publics ont voulu doter dès le départ d’organes de gestion de la copropriété qui parviennent, non sans mal, à assurer leur mission. Un modèle qui est appliqué également dans un nombre qui reste pour l’instant limité de “résidences” collectives réalisées par des promoteurs immobiliers privés.

La maintenance du parc  immobilier, une filière  économique à part entière

En dépit de ces quelques avancées récentes, l’état du parc immobilier national et son entretien reste donc tributaire  des initiatives sporadiques des pouvoirs publics qui semblent obéir principalement à un calendrier politique. Le “séminaire international sur la gestion immobilière”, organisé en grande pompe au Palais des nations au printemps 2008 par le ministère de l’Habitat pour rechercher des solutions, n’a pu que recenser la diversité des formules appliquées à l’étranger et  constater, dans le cas de notre pays, le décalage entre la réalité du terrain et un cadre juridique inadapté. Il a débouché pour l’essentiel,  sur la décision de… recourir classiquement aux ressources du budget de l’état pour lancer l’opération qui est en cours actuellement.

Pour Mounir Sbih, architecte, “le système de gestion immobilière en place depuis plus de 30 ans est à l’origine d’une dégradation rapide du parc immobilier, parce qu’il déresponsabilise les copropriétaires sans identifier clairement  les institutions en charge des activités de maintenance et d’entretien qui restent de ce fait fortement sous-dimensionnées en dépit des interventions ponctuelles de l’Etat”.

Le groupe informel de réflexion qu’il a rassemblé autour de lui à Alger formule des propositions claires et simples. Il  milite pour la structuration et le  développement de l’activité de maintenance du parc immobilier en tant que filière économique à part entière. Par quels moyens ? “Il faut structurer le marché en créant une demande solvable et une offre professionnelle.” D’abord créer une “Agence nationale de la gestion immobilière” avec des démembrements régionaux dont les ressources seront constituées par “des dotations budgétaires mais également, et de façon croissante au fil  du temps, par une contribution des propriétaires qui pourrait être prélevée simplement au moyen de la facture Sonelgaz par exemple”. Ensuite sensibiliser le public “pour que les gens prennent conscience de la valeur  de leur patrimoine immobilier et de l’importance de son entretien”. Améliorer aussi la connaissance du parc “grâce au concours d’institutions comme les CTC qui sont déjà chargés d’établir des carnets de santé des immeubles”, et définir des normes et des calendriers d’intervention périodiques. Du côté de l’offre, favoriser la constitution d’entreprises qualifiées en  gérant un programme d’intervention  ininterrompu  et un fichier des entreprises agréées du secteur. Une démarche qui, selon nos interlocuteurs, serait de nature à développer une activité économique  “capable de créer en quelques années entre 50 000 et 100 000 emplois directs  avec l’avantage supplémentaire de consommer très peu de produits importés”.

HaddoucheHassan Haddouche