Dans la principauté de Moretti, tout le piment de la vie est dans la permanence du statu quo. Dans ce petit Etat, oui un Etat puisqu’il fonctionne selon ses propres règles, celles établies par ses résidents, le changement, le remaniement, le limogeage de responsables sont des notions méconnues et étrangères aux mœurs locales.
Ce n’est pas du tout de la provocation. Santa Moretti est bel et bien une principauté indépendante de l’Algérie. A Santa Moretti, les règles qui la régissent échappent au contrôle des institutions de l’Etat algérien. A l’intérieur de cette résidence, il n’y a qu’une seule loi, celle mise au point par les heureux propriétaires et résidents. Une loi que le peuple algérien ignore. Pis, une loi qui l’exclut de cette portion de la côte algéroise, entièrement privatisée comme nous l’avons expliqué dans une précédente chronique avec des faits et des détails précis. Depuis 1996, l’agréable et paisible station balnéaire de Moretti a été «mise sous tutelle». La majorité des maisons coloniales a été vendue à d’autres hauts responsables pour une bouchée de pain. Ces derniers ont revendu ces biens à leurs amis milliardaires ou à d’autres dirigeants, avec des plus-values astronomiques. Et tournez manège!
De Chérif Rahmani, ancien gouverneur d’Alger et ex-ministre, en passant par le général Mohamed Betchine, ancien Délégué général à la prévention et à la sécurité (DGPS), issu de la restructuration de la fameuse Sécurité Militaire (SM), jusqu’à Mohamed Raouraoua, président de la FAF, sans oublier l’inénarrable Amar Saïdani, le général Toufik et d’autres figures emblématiques de l’establishment algérien, Moretti est aujourd’hui le centre de gravité du régime algérien.
Le colonel Chergui et le bungalow numéro 205
Moretti est régie exactement comme une principauté, à l’instar de Monaco. Le « prince » de ce Monaco algérien s’appelle Hamid Melzi. Un prince souverain à l’abri des changements d’Abdelaziz Bouteflika. Des PDG sautent, des directeurs d’institutions publiques sont limogés, mais Hamid Melzi est toujours là, inamovible. Il est l’intouchable parmi les intouchables. Tant mieux? Tant pis? Là n’est pas le débat. Dans une précédente chronique, nous l’avons interpellé pour qu’il nous fournisse des explications sur son mode de gestion, dans la mesure où sa «principauté» se situe, tout de même, sur le territoire national. En tant que commis de notre Etat, le nôtre, celui de 40 millions d’Algériens.
Dans le respect, sans aucune haine, loin de toute considération politicienne ou d’un calcul clanique malsain, je m’adresse à vous monsieur Hamid Melzi. Qu’a-t-on fait exactement de la villa du défunt Abdelmajid Allahoum, secrétaire général de la présidence du 23 avril 1977 au 8 mars 1979, sous le règne de Houari Boumédiène, et plus tard chef du protocole de la présidence de la République à l’époque de Chadli Bendjedid ?
Nos investigations nous ont permis de savoir qu’Abdelmadjid Allahoum a loué une maison dans les années 90 à Moretti. Son grand frère y habitait aussi. Plusieurs sources concordantes indiquent que la famille du défunt a été expulsée manu militari de leur résidence. Selon ces mêmes sources, une fois cette villa vidée de ses occupants, elle a été vendue à un colonel du DRS appelé communément «Chergui». Pour préserver la vie privée de cette personne, son nom exact ne sera pas révélé. Les Algériens aimeraient savoir dans quelles conditions cette villa a été vendue à ce colonel du DRS et à quel prix ? Les autorités ont-elles été consentantes dans cette opération? Est-elle conforme à la législation en vigueur ? Ces questions trouvent toute leur légitimité lorsqu’on sait, Monsieur Melzi, que l’épouse de ce colonel est votre cousine. Comme par hasard! Nous avons beaucoup de respect pour les hommes qui cultivent l’amour de la famille. Mais, nous avons davantage de considération pour les hommes qui cultivent le respect de la loi. Loin de nous l’intention de vous accuser de quoi que ce soit. Notre volonté, sincère de surcroît, est de comprendre le fonctionnement de cette «principauté» dont vous présidez au destin depuis si longtemps.
Et quelle est la véritable histoire du bungalow de cet opposant tunisien, que les résidents de Moretti appelaient affectueusement «aâmi Salah» ? Il occupait le Bungalow n°25 de longue date. Il était même l’ami du président Liamine Zeroual. Un jour, au vu et au su de tous les résidents, il a été expulsé, indiquent plusieurs témoignages concordants. Le président Zeroual lui-même n’a pas pu aider son ami. Et comme par hasard -encore un autre-, le Bungalow n° 25 se retrouve entre les mains d’un autre de vos proches: le père de votre belle-fille.
Sellal rate le méchoui du Sheraton
Et qu’en est-il de ce chapiteau gigantesque sur le parking du Palais des Congrès du Club des Pins qui a fait couler tellement de salive en avril 2013 ? De nombreuses personnes vous accusent de l’avoir monté à l’occasion du mariage….de votre fils. Abdelmalek Sellal, notre Premier ministre, a, lui-même, pris attache avec vous pour vous demander d’enlever ce chapiteau dressé là à des fins personnelles. Le mariage a été, suite à cela, organisé au Sheraton du Club des Pins, et que le Premier ministre a boudé. Il a raté, suite à ce coup de sang, un luxueux repas : langouste et méchouis concoctés dans les cuisines du Palais des Congrès et dont l’odeur exquise a torturé les ventres des jeunes chômeurs de Staouéli.
Le chômage est un fléau que la principauté de Moretti ne connaît pas. La transparence dans les opérations immobilières y est aussi une vertu très peu prisée. Sinon, comment expliquer que l’ancienne infirmerie, située juste sur la placette de cette station balnéaire, a été vendue à un ancien attaché militaire de l’ambassade d’Algérie en Afrique du Sud ? Et la fameuse «maison rose», qui a été totalement restaurée et embellie par des ouvriers chinois, a qui appartient-elle ? Une simple et ordinaire secrétaire ! Une secrétaire mieux traitée que les autres résidents, parmi lesquels d’anciennes figures de la guerre de libération. D’ailleurs, ces historiques ont été contraints par la force à quitter leurs villas vendues, par la suite, à des prix atteignant les 13 milliards de centimes à des personnages obscurs. Est-ce juste ? Evidemment que non. Mais la justice est encore une notion étrangère aux mœurs de la principauté de «Santa Moretti»…