Si j’étais noire en Algérie…

Redaction

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Si j’étais noire en Algérie, je n’aurais sans doute pas le droit de souffrir, pas le droit d’être écoutée, peut-être pas de droits tout court. Radicale ? Je ne crois pas, lorsque j’entends les propos infâmes et racistes prononcés par mes concitoyens, ou lorsque je vois qu’une femme violée n’est pas protégée sous prétexte qu’elle est noire, camerounaise et sans papiers.

Je vais vous raconter une histoire. Vous comprendrez, je l’espère…  Il était une fois une femme camerounaise qui avait décidé de fuir de son pays pour l’Algérie. Avec sans doute l’espoir d’un nouvel avenir, l’espoir de travailler, de construire une nouvelle vie. Elle y rejoint sa famille, rassurée de trouver une main tendue dans un pays que finalement elle ne connait pas et qui ne la connait pas non plus. Elle prend des risques et entre clandestinement en Algérie, comme ont pu le faire de nombreux Algériens dans d’autres pays, par nécessité. Peut-être que le risque en vaut-il la peine ? A-t-elle sûrement pensé lors de cette prise de décision. Elle avait sûrement imaginé avoir du mal trouver des ressources financières, à s’adapter à ce pays étranger. Elle s’attendait à tout sauf à ça : se faire violer, humilier et rejeter.

Ce 2 janvier 2014 est une date qui sans doute bouleversera sa vie, mais pas l’histoire de l’Algérie Ce 2 janvier cette femme se fera violer à Oran, par un homme qui devait sûrement se dire que ça ne faisait rien d’agresser une étrangère. Puis lorsqu’elle ira porter plainte, à la gendarmerie de Yaghmoracen à Oran, les gendarmes lui refuseront ce droit car elle n’a pas de papiers, et surtout pas de papiers algériens, donc aux yeux de l’Algérie, elle n’existe pas ?  Lorsqu’elle finit par obtenir le droit de déposer plainte, son présumé agresseur est arrêté puis relâché, faute de preuves. Mais elle, elle sera retenue par la police, parce qu’après tout cette soi-disant victime était en fait coupable a estimé la justice. Certes elle a été violée, mais que faisait-elle ici sans visa d’entrée ? Finalement c’était sa faute, on n’entre pas en Algérie comme ça, a insisté la justice. Pas de traitement de faveur (ou presque) en Algérie, la femme violée a été arrêté, emprisonnée, et a reçu un avis d’expulsion. Rentrez chez vous ! a persisté la justice algérienne.

Cette femme qui avait espoir en Algérie a juste été violée, humiliée, et rejetée. Même la répétition de ces mots ne parvient à me faire comprendre cette injustice que cette femme camerounaise a subie. Et pourtant il le faut, car cette histoire est vraie. Elle s’est réellement déroulée à Oran ce 2 janvier 2014 en Algérie, et ce n’est pas la première fois. Si j’étais noire moi aussi, que m’aurait réservé ce pays ? Agressée, on ne m’aurait pas protégée ? Ignorée, rabaissée, on ne m’aurait pas aidée ? Emprisonnée, m’aurait-on défendue ? Si j’étais noire en Algérie, j’aurais dû me battre deux fois plus, raser les murs, rire jaune face aux plaisanteries de mauvais goût, aux accents mal imités ou aux préjugés de mes concitoyens.

Sauf que je suis blanche et que je suis algérienne et que je ne comprendrais sans doute jamais le rejet, les moqueries, ou la discrimination que peut vivre une femme originaire d’un pays d’Afrique subsaharienne qui tente de vivre ou plutôt survivre en Algérie. Sauf que je sais une chose, c’est que le respect de la dignité d’une femme doit dépasser les frontières. La souffrance et les droits n’ont à dépendre pas d’une couleur ou d’une origine géographique. Que vous le vouliez ou non, nous sommes tous nés libres et égaux.

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Amina-Boumazza 1Amina Boumazza

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