Situation financière de l’Algérie: Quand Bloomberg tire la sonnette d’alarme Par Hassan Haddouche

Redaction

En attirant l’attention sur la consommation accélérée de nos réserves de change , l’agence Bloomberg va sans doute irriter les autorités financières algériennes. Mais elle pourrait peut être aussi rendre service à l’Algérie.

 L’information a fait l’effet d’une douche froide à la fois dans les milieux gouvernementaux algériens et dans le petit monde des médias qui l’ont accueillie avec scepticisme, en croyant d’abord à une erreur . L’agence Bloomberg , citant une évaluation du Fonds monétaire international (FMI), évoquait, dimanche dernier , une perte de 11,6 milliards de dollars sur les réserves de changes de l’Algérie pour le seul mois de janvier dernier. En fait ,Il ne s’agissait pas du tout d’une erreur. Notons que l’agence américaine d’information Bloomberg n’est pas spécialement un repère de fantaisistes. C’est la première agence d’information économique du monde. Elle est considérée comme une référence, notamment dans le domaine de la finance .

Là ou les choses se gâtent un peu, c’est que dans un article précédent, daté du 13 avril dernier, Bloomberg, en extrapolant très simplement ce résultat, prévoit, à ce rythme, un épuisement des réserves de change algériennes en moins d’un an et demi .

 Reprenons les choses dans l’ordre. Factuellement, Bloomberg ne s’est pas trompé. A l’occasion des assemblées de printemps du FMI et de la Banque Mondiale qui viennent de se tenir à Washington , en présence d’ailleurs des grands argentiers algériens, ministre des Finances et gouverneur de la Banque d’Algérie en tête, on s’est beaucoup intéressé à la situation financière de notre pays, qui, comme on le sait, est devenu un créancier non négligeable du FMI et reste un important créancier net du système financier international en raison de ses avoirs en bons du Trésor américain et européen. Il n’a donc échappé à personne dans ces milieux très bien informés, que la situation financière de l’Algérie s’était inversée brutalement au cours des derniers mois. Après avoir accumulé régulièrement des réserves de change importantes depuis plus d’une décennie, l’Algérie est en train de les consommer à une vitesse accélérée sans apparemment être en mesure de trouver une parade en réduisant le niveau de ses dépenses. C’est ce qui semble frapper aujourd’hui les observateurs financiers internationaux. Et Bloomberg n’a pas inventé le chiffre colossal de 11,6 milliards de dollars prélevé en un seul mois sur nos réserves de change.

 Le coût financier considérable de la transaction sur Djezzy

 Alors bien sûr, l’extrapolation de l’agence américaine sur la consommation « en 15 mois » de la totalité de nos réserves de change est discutable du fait que le mois de janvier a enregistré des opérations exceptionnelles. La plus importante d’entre elles est la conclusion de la transaction sur Djezzy.

Les autorités algériennes n’aiment pas beaucoup qu’on évoque le « coût élevé » du rachat de Djezzy par l’Etat. La finalisation du dossier de l’opérateur téléphonique aura pourtant nécessité au total, non seulement le paiement du prix de vente annoncé de 2,6 milliards de dollars mais aussi, la libération des dividendes bloqués depuis près de 5 ans et qui s’élevaient à près de 1,9 milliards de dollars. Au total, c’est donc le montant considérable de 4,5 milliards de dollars qui a été versé à Vimpelcom en janvier, et qui sera enregistré cette année, en sortie de capitaux par la balance des paiements de notre pays qui n’avait pas besoin de ça en ce moment.

 Bloomberg va-t-il réveiller la Banque d’Algérie ?

 Au fait, pourquoi est ce que c’est une agence d’information financière américaine qui donne les informations sur la situation de notre balance des paiements ? La réponse est simple: La Banque d’Algérie, qui est chargée de la gestion de nos réserves de change, prend tout son temps et communique en général à un rythme semestriel à l’occasion de la publication de ses célèbres « notes de conjonctures ». Dans certains cas, lorsque la situation est un peu « chaude », il lui arrive de faire une entorse à ce principe, en publiant une note trimestrielle. Parions que dans les semaines qui viennent, les locataires de la Villa Joly vont nous gratifier d’une publication exceptionnelle sur la situation financière de notre pays à la fin du premier trimestre 2015. Disons merci à Bloomberg!

 Plus que six ans avant la cessation de paiement

 Nos réserves de change ne seront donc certainement pas épuisées en 15 mois . Bien, mais au fait, on en a pour combien de temps avant de nous retrouver en cessation de paiement ? C’est pas compliqué, le FMI qui nous le répète avec insistance depuis maintenant plusieurs mois, le déficit global de notre balance des paiements devrait s’établir cette année et l’année prochaine, à près de 15 % du PIB, ce qui représentera un prélèvement d’environ 28 milliards de dollars chaque année sur nos réserves de change. Comme il nous restait 174 milliards de dollars de réserves fin 2014, faites le calcul vous-même, on en a encore pour six ans…

 Est ce que dans cet intervalle, cette étroite « fenêtre d’opportunité » comme disent nos économistes, notre pays peut encore éviter le scénario d’une faillite financière ? Cela dépendra de la capacité de réaction du gouvernement qui est face au défi considérable d’adapter nos dépenses au niveau sensiblement réduit de nos recettes extérieures. Pour l’instant, c’est très simple, il n’a strictement rien fait de significatif dans ce sens. C’est la raison pour laquelle nos équilibres financiers extérieurs se dégradent à une vitesse sidérante sous le regard étonné de nos partenaires internationaux, qui n’ont apparemment aucune envie de se retrouver avec un nouveau pays en crise dans une région qui n’en manque déjà pas. Et qui nous le font savoir.

 

 

 

 

 

 

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