Ce jeudi-là, je n’ai pas envie de rire. Je n’ai vraiment pas envie de rigoler. Et je vais essayer de parler très sérieusement en lançant cet appel urgent : SVP importez-nous tout un gouvernement ! Oui, importez rapidement des ministres de l’étranger. Ramenez-les dans ces containers dans lesquels vous entreposez les dattes, le couscous, les melons et pastèques que vous importez en toute impunité, sans aucune mauvaise conscience.
Oui, vous les importateurs qui avez réussi à faire de mon pays un immense fast-food à ciel ouvert, continuez sur votre lancée et trouvez-nous des ministres et hauts cadres «potables» pour un gouvernement. Allez les chercher dans ces usines chinoises, champs canadiens ou fermes brésiliennes qui vous fournissent tous ces produits alimentaires que vous débarquez dans nos ports. 6 milliards de dollars de nourriture, de fruits, légumes, abats, viandes, céréales, caviars et kiwis ! La voici la facture alimentaire payée par notre pays en 2014. Une facture qui fait votre bonheur maudits importateurs dont le portefeuille a explosé l’année passée à force de devoir contenir tous ces billets d’euros et de dollars arrachés aux caisses de nos banques.
Bravo à vous ! Bravo parce que vous avez réussi à mettre à genoux tout un peuple ingénieux qui était capable de satisfaire ses besoins alimentaires avec la force de ses bras. Vous avez réussi à droguer tout un peuple avec ces produits à bas coût, ces sucreries de mauvais goût et ces viandes congelées. Vous avez gavé son ventre, inondé ses commerces, bourré ses frigos en lui inculquant un mépris incommensurable à l’égard du produit, de l’aliment national. Pourquoi travailler puisque tout peut être importé en Algérie ? Pourquoi retrousser ses manches et travailler sa terre lorsque les deniers publics sont servis sur un plateau en argent à des importateurs qui voient en notre pays un immense bazar sauvage ? Pourquoi développer une industrie ou une production nationale ? Pourquoi rêver d’un pays émergent qui exporte au lieu de tout importer ? Pourquoi entretenir cette utopie lorsque nos banques octroient plus de facilités aux commerçants qui enrichissent les économies étrangères qu’à nos jeunes industriels qui s’échinent à employer nos milliers de chômeurs ?
En réalité, je vous tire chapeau. Vous les importateurs, vous avez tout compris à ce régime. Vous avez saisi que le travailleur, le bosseur, l’innovateur est pourchassé, inquiété, mal-aimé et indésirable dans cette Algérie où les pipelines remplacent les neurones. Vous avez rapidement compris que la recette du succès se trouve dans ces navires bondés de marchandises qui longent impatiemment la rade du port d’Alger. Vous avez compris qu’il est vital pour ce régime de jeter nos devises par les fenêtres en organisant leur évasion à l’étranger. Ces devises, il ne faut surtout pas les gâcher dans des projets d’investissement pour doter l’Algérie d’une industrie forte et prospère. Ces devises, il est dangereux de les laisser à la portée de ces jeunes entrepreneurs assoiffés de développement économique. Ces devises, il faut les consacrer pour acheter à l’étranger des dattes, couscous, melons, viandes, blés ou même des oranges. Ces devises, il faut quand même savoir comment les détourner.
Vous les importateurs, oui, vous êtes plus dangereux que le DRS, les généraux et les conseillers de la Présidence. Vous êtes plus dangereux que tout ce beau monde réuni. Vous êtes plus dangereux parce que vous avez tué le citoyen en le transforment en un consommateur affamé. Acheter, dépenser au lieu de concevoir et réfléchir. Etes-vous des génies ? Non, pas encore tant que vous n’avez pas encore trouvé le moyen d’importer tout un gouvernement. Peut-être, ce jour-là, vous deviendrez enfin utiles pour votre pays…