Touche pas à Dilem Par Aziz Benyahia

Redaction

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Hier soir, Dilem était annoncé au grand journal de Canal Plus. Autour de moi la joie était à son comble. C’est comme si on avait annoncé Kamel Daoud ou Zidane. L’excitation réelle et la jubilation annoncée. Des artistes qui vous requinquent et la fierté retrouvée même pour de courts instants entre les nuages sur l’Algérie et les tirs nourris en France contre les arabes et les musulmans. Je tiens personnellement Dilem pour l’un des plus grands dans son art. Plantu s’efface sans fausse modestie derrière lui et ses pairs le considèrent comme l’un des plus grands. Et quand on connaît son parcours et les longues épreuves endurées durant sa jeune vie, on ne peut que l’aimer pour le remercier de nous rendre plus intelligents à chacune de ses quotidiennes fulgurances. On se retrouve en train de le protéger par admiration et par reconnaissance, avec la crainte qu’il ne soit détourné de son art, et embarqué dans des aventures qu’il n’aura pas cherchées. Un peu comme on a peur que Zidane se casse une jambe ou que Daoud soit interdit d’écriture.

         Notre jubilation fut de très courte durée. L’arrivée sur le plateau tenait du tour de passe-passe. Dilem était cornaqué par Caroline Fourest. La messe était dite d’avance puisque le diable était là. Elle tenait sa prise de guerre ou son trophée, et il y avait dans son regard un air jubilatoire et une gourmandise sans conteste, comme on en voit au retour d’expédition en terre lointaine sur le visage du découvreur de talent ou de l’inventeur de grottes. C’était le montreur d’ours sur la place du village ou Marek Halter conduisant Chelghoumi.

         Dilem, c’était le sauf-conduit à Fourest, la preuve par le talent qu’elle n’avait rien contre les arabes, les musulmans, les noirs, le voile, que la réputation qui lui est faite est injuste, que ses condamnations par les tribunaux étaient injustes, qu’elle n’avait jamais dit pis que pendre sur Tariq Ramadan et Pascal Boniface, qu’elle a toujours défendu le combat anti-colonial, toujours défendu la cause palestinienne, qu’elle était de gauche et qu’elle est tout compte fait incomprise puisque ; preuve par la main, elle avait ramené Dilem en personne comme on ramène un lion par l’oreille.

         Dilem aurait donc cautionné et absout la dame Fourest et tout le monde aurait tort ? La réponse est non et qu’on se rassure ! Dilem a rappelé sans faux-semblant, qu’il n’était ni à récupérer ni à manipuler, qu’il savait s’exprimer y compris par la parole pour nous parler de son métier et de ses combats, qu’il était un homme libre et que par conséquent, il n’avait besoin ni de chaperon ni cornaque. La ficelle avait fini par être trop grosse. On l’avait compris sur le plateau. Dilem, comme Kamel Daoud auparavant, sont des hommes libres et veulent le rester au prix de tous les dangers. Toutes les manœuvres habituelles de séduction n’y pourront rien. Il faut juste espérer que personne ne s’aventurera à les confondre avec Chelghoumi ou je ne sais quelle marionnette. Alors passez votre chemin madame Fourest, partez chiner ailleurs et merci de ne pas toucher à Dilem.

Aziz Benyahia