Après les dirigeants politiques, les hauts gradés de l’armée et les généraux du DRS, c’est, désormais, au tour des oligarques et richissimes hommes d’affaires algériens d’insulter l’intelligence de leurs compatriotes. Oui, les insulter et les humilier par des mascarades médiatiques qui participent au nivellement par le bas des valeurs dans notre pays.
A la tête de ces hommes d’affaires puissants, riches et influents, on retrouve, tout naturellement, Ali Haddad. Patron du FCE, la première organisation patronale en Algérie, président de l’USMA, un grand club de football algérois, PDG de l’ETRHB, le premier groupe privé dans le secteur du BTP, etc., la fortune de ce monsieur est incalculable. Tant mieux pour lui ? Evidemment, mais à condition qu’il nous explique comment il s’en est pris réellement pour prospérer si vite dans un pays rongé par la corruption et le népotisme.
Différons cette question. Parce qu’aujourd’hui, la véritable inquiétude est ailleurs. Monsieur Ali Haddad est riche et veut-il que son pays soit à son image ? OK, que propose-t-il ? «N’en déplaise aux partisans du statu quo, la croissance économique passe par l’entreprise créatrice de richesse et d’emplois», s’exprimait Ali Haddad lorsqu’il avait fait main-basse sur le Forum des chefs d’entreprises (FCE). Une intention louable, une déclaration pertinente à laquelle de nombreux algériens adhèrent. Mais, sur le terrain, Ali Haddad fait concrètement quoi au juste ? Et bien, rien qui sort de l’ordinaire!
Des promesses sans lendemain, des effets d’annonce et des blagues de mauvais goût à l’instar d’un certain Abdelmalek Sellal. L’homme d’affaires ne dévoile aucune intelligence entrepreneuriale et s’abandonne à la légèreté et au manque de sérieux. Et comme d’habitude, au pays des machos, des virils orgueilleux et du «Nif», c’est une femme, oui une femme, qui ose monter au créneau pour dénoncer une dérive dangereuse.
Celle d’un patron algérien qui se déplace jusqu’en Chine en compagnie de Sellal et de plusieurs ministres algériens pour proposer aux «Chinois de venir investir en Algérie», parce que, leur a-t-il dit, en guise d’argument indémontable, « il y a des femmes avec lesquelles vous pouvez vous marier» ! Mot d’esprit? Trait d’humour? Personne n’a véritablement compris les allusions du richissime patron algérien qui, au lieu de démarcher de potentiels investisseurs, propose ses services matrimoniaux aux Chinois ! Neghza Saida, la vice-présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes, une autre organisation patronale, n’a pas pu retenir son émotion et sa colère. Dès son retour de Chine, cette entrepreneuse algérienne a laissé éclater son indignation. Elle a dénoncé publiquement le dérapage du puissant et inattaquable Ali Haddad. Elle s’est même posé cette question cruciale : «Qui est derrière Ali Haddad ?»
Terrible question qui demeure sans réponse. Peu importe. Si Ali Haddad veut investir dans le projet d’une agence matrimoniale, c’est entièrement son droit. Mais dans le contexte d’une visite d’Etat et d’une rencontre avec les représentants d’une grande puissance économique comme la Chine, cela relève, au mieux, d’une blague indigeste et au pire, d’un mépris inexcusable envers ses concitoyennes. Sa mission, faut-il le rappeler, est de mobiliser de potentiels investisseurs, de convaincre de grandes entreprises chinoises de s’implanter en Algérie et d’accompagner les entreprises algériennes qui veulent, ou peuvent, exporter en Chine, etc.
Votre rôle monsieur Ali Haddad n’est pas de marier les Chinois(es) aux Algérien(ne)s, mais de contribuer à la création de richesses, de défendre les intérêts de nos entreprises et de mettre en valeur notre savoir-faire et nos potentialités. Une fois cette mission accomplie, libre à vous d’organiser des mariages là où vous voulez. Et quand vous voulez. Une organisation patronale n’est pas un club de football qui amuse des supporteurs. Une organisation patronale ne fait pas dans le divertissement et le speed dating. C’est plutôt une entité sérieuse qui exige de la compétence, du bon sens et de l’habilité. Il est temps que vous preniez conscience que tout n’est pas comme l’ETRHB dans la vie. Il est temps que vous évoluiez dans vos réflexions pour permettre à notre pays d’accéder, enfin, à ce précieux décollage économique. En attendant, vous avez confirmé dans une déclaration à la chaîne de télévision El-Bilad que vous ne trouvez rien de choquant dans vos propos, estimant que de plus en plus d’Algériennes épousent des Chinois.
Ce débat ne concerne nullement vos prérogatives et vos missions. Vous avez le droit, vous-aussi, d’épouser demain une Chinoise. Les Algériens s’en contreficheront. En revanche, ils aimeraient bien savoir si vous pouvez un jour procurer à leurs pays des investissements chinois pour que leurs enfants puissent travailler et, pourquoi pas, devenir riches comme vous…