Elle s’appelle Nouria Benghebrit. Elle est la nouvelle ministre de l’Education en Algérie. Et dès les premières heures de sa nomination, elle s’est fait tailler en pièces sur la blogosphère et les réseaux sociaux.
Oui, critiquée et vilipendée massivement par des internautes déchaînés. Mais ces critiques, ou plutôt insultes ne visent nullement le programme ou le plan d’action de cette nouvelle ministre qui n’a même pas eu le temps encore de le présenter. Non, «ces attentats verbales» visent d’abord et avant tout ses soi-disant origines juives ! Oui, en Algérie, les origines d’un ministre priment sur tout le reste. Peu importe ce qu’il compte proposer, faire ou changer. S’il est d’une certaine origine, on le déteste, haït et réclame son départ.
La polémique, toujours et encore. La polémique stérile au lieu d’un débat d’idées constructif et porteur d’une véritable alternative. L’insulte et l’invective au lieu d’une discussion rationnelle, respectueuse et enrichissante. Ces fâcheuses habitudes d’un grand nombre de nos compatriotes deviennent un véritable danger contre le bon sens.
Et les récentes attaques dont est victime Nouria Benghebrit prouvent encore que ces fâcheuses habitudes deviennent une maladie qui touche un pan entier de l’opinion publique algérienne. Une opinion publique qui se nourrit continuellement des théories du complot et de la phraséologie raciste. Certaines mauvaises langues sont allées jusqu’à affirmer que l’agence gouvernementale algérienne, APS, a fait sciemment de ne pas retranscrire le nom complet de cette ministre à savoir Nouria Benghabrit-Remaoun, pour ne pas offusquer les Algériens ! Oui ne pas les offusquer parce que Remaoun serait un nom clairement juif. Face à ces racontars et ces nouvelles dérives, d’abord un constat : rien, absolument rien ne prouve que notre ministre de l’Education soit d’origine juive.
Et même si c’était le cas, où serait le problème ? Les juifs en Algérie sont-ils des citoyens de seconde zone ? Y-a-t-il une loi en vigueur qui exige de vérifier la confession musulmane de chaque ministre désigné ? Que demande-t-on à un ministre ? De bien gérer son secteur, de réformer son département et d’obtenir des performances qui aident au développement du pays ou à réciter le Coran et faire scrupuleusement la prière ?
En réalité, cette polémique stérile indique encore une fois la profonde méconnaissance des Algériens d’aujourd’hui de leur histoire millénaire. Les juifs algériens ont constitué depuis des siècles une partie importante de notre mémoire collective. Les juifs algériens n’existent pas uniquement depuis Enrico Macias et la colonisation française. Non, les juifs algériens ont connu cette terre, celle que nous chérissons nous autres algériens chaque jour, depuis l’antiquité. De la Numidie ancestrale à l’Algérie du 1er Novembre, de nombreux concitoyens juifs ont joué un rôle majeur dans notre histoire nationale. Mais ce n’est sur les bancs de notre école que nos enfants apprennent cette vérité.
Une autre vérité dérange aussi : la stupidité du débat public en Algérie reflète le manque d’éducation politique de notre société. Une opinion publique qui s’attarde sur des probables origines juives au lieu de réclamer des actions et des mesures concrètes à même de sortir notre école de son hibernation est une opinion publique qui nage dans l’inconscience. Qu’elle soit d’origine juive ou pas, Nouria Benghebrit a autant le droit que n’importe quel autre citoyen algérien au respect. Et en tant que ministre, elle est soumise au même devoir d’exigence que ses autres collègues du gouvernement. Le jour où nous comprendrons cela, l’Algérie pourra se targuer de connaitre un certain éveil politique. En attendent, comme disait Maïmonide, ce théologien et philosophe juif contemporain et admirateur du musulman Averroès, « que la Lumière des Sages Brille et Nous Guide ». De cette lumière, l’Algérie en a plus que jamais besoin.