Vers la fin de l’époque du « logement gratuit » ? par Hassan Haddouche

Redaction

HaddoucheLe financement du logement en Algérie, c’est encore, au cours des dernières années, plus de 300 milliards de DA (environ 4 milliards de dollars) de ressources fournies par le Trésor public. Le montant des transferts alloués au secteur de l’habitat par les différentes lois de finances renseigne sur l’ampleur du financement public du logement des Algériens. Les programmes de réalisation de logements sociaux locatifs entièrement financés par les ressources du Trésor public et qui portent, bon an mal an, sur plus de  50 000  unités, sont dotés de plus de 100 milliards de DA. Le logement public aidé en milieu rural et urbain reçoit, pour sa part, un peu plus 180 milliards de DA constitués essentiellement de l’« aide frontale » de 700 000 dinars accordée par la Caisse Nationale du Logement.

Le logement « gratuit »  ou comment s’en débarrasser 

Le logement « gratuit », dans le langage de tous les jours, c’est le logement social destiné aux plus nécessiteux. Il a la particularité en Algérie, beaucoup d’enquêtes internationales le confirment, d’avoir donner lieu à un investissement particulièrement important de l’Etat algérien au cours des dernières décennies. Le stock de logements sociaux (désormais appelés LPL pour logements publics locatifs) gérés par les OPGI dépasse le nombre de 800 000 et ne cesse de gonfler. Leur gestion se heurte à des problèmes multiples. Le moindre d’entre eux n’étant pas, de façon paradoxale, leur distribution qui donne régulièrement lieu à des émeutes. Le recouvrement des loyers est également un casse-tête pour les OPGI. Des bilans récents mentionnent le chiffre de moins de 40% des loyers effectivement récupérés ; ce qui ne favorise pas spécialement les opérations de maintenance et d’entretien du parc. C’est sans doute ce qui a poussé les pouvoirs publics à lancer en 2013 une opération de cession de ces logements à leurs locataires. Les prix de vente sont, selon différentes sources, très variables mais généralement  abordables. Ils peuvent varier du niveau symbolique de 50 000 dinars, dans certaines régions du Sud du pays, à environ 800 000 dinars à Alger. On ne dispose  pas encore de bilan de cette opération qui pour l’instant semble se dérouler curieusement dans une indifférence générale.

Montée en puissance du crédit immobilier hypothécaire 

C’est que l’essentiel de l’attention du public et des médias algériens est aujourd’hui polarisée par les nouveaux programmes de logements AADL et LPP destinés aux classes moyennes dont l’effectif gonfle rapidement à la faveur de l’élévation du niveau de vie des algériens constatée au cours de la décennie écoulée. Le décor du financement du logement est également en train de changer rapidement. On s’attend au cours des prochaines années à ce que, stimulé par l’importance des programmes de logements mis en œuvre dernièrement au profit des classes moyennes, le crédit immobilier hypothécaire continue d’augmenter très vite au point de se substituer progressivement au financement budgétaire. Ce passage du logement « gratuit » au logement financé par des crédits bancaires est en tous cas aujourd’hui un objectif affiché explicitement par les pouvoirs publics. 

C’est l’évolution la plus significative des dernières années. La Banque d’Algérie qui avait déjà signalé une croissance accélérée des crédits immobiliers aux ménages en 2011 (+19%) vient de récidiver au titre cette fois de l‘année 2013. Dans sa note de conjoncture publiée en décembre dernier, elle indique que « les crédits aux ménages sont  en hausse de 16% dans le cadre de  leur inclusion financière, essentiellement au titre des crédits hypothécaires qui enregistrent une nouvelle hausse de 18,7 % à décembre 2013 tirés par le développement du marché immobilier ». La solution alternative constituée par le crédit immobilier hypothécaire, monte donc en puissance rapidement. Après avoir franchi pour la première fois la barre du milliard de dollars en 2012. Les crédits bancaires devraient s’élever à environ 90 milliards de DA à fin 2013.

Il faut dire que depuis quelques années, les pouvoirs publics ont mis le paquet pour parvenir à cet objectif et que le crédit immobilier est devenu un de leurs enfants chéris. La LFC 2009, célèbre pour avoir “inventé” le fameux 51/49, a aussi créé un dispositif de bonification des taux d’intérêt extrêmement avantageux pour les emprunteurs. Ce dispositif, dont sont  exclus les seules auto-constructions en milieu urbain et la vente entre particuliers, se traduit dans la plupart des cas par un taux d’intérêt effectif qui ne dépasse pas 1%. Ce qui en période d’accélération de l’inflation constitue une véritable aubaine pour les emprunteurs. Ces derniers ne s’y trompent d’ailleurs pas et les banques algériennes doivent gérer depuis plus de 3 années maintenant un afflux sans précédent de demandes de crédits.

La CNEP toujours en tête des bilans 

La CNEP-Banque a pris, ces dernières années, la bonne habitude de publier de façon très précoce les résultats de son activité. Ils confirment en dépit de la diversification récente des activités de la banque de la rue khelifa Boukhalfa, son rôle de locomotive du crédit immobilier dans lequel elle revendique plus de 50% de part du marché national. Selon un bilan rendu public au cours des dernières semaines, la CNEP a accordé en 2013 des crédits immobiliers aux particuliers, qui ont dépassé le nombre de 22 000 et s’élèvent à la somme de 46.2 milliards de dinars.

Sur ce montant, les crédits bonifiés se taillent la part du lion. La CNEP-Banque a octroyé, en 2013, plus de  9 000 crédits à taux bonifiés pour un montant de 18,5 milliards de dinars. Ils sont destinés aux programmes de logements publics aidés  (essentiellement AADL au cours de la période la plus récente) dont le prix ne dépasse pas 2,8 millions de DA et à l’achat d’un logement neuf collectif acquis auprès d’un promoteur public ou privé dont le prix ne dépasse pas les 12 millions de DA. Ils peuvent également financer l’auto-construction  en milieu rural. La banque dirigée par Djamel Bessa a, en outre, accordé l’année dernière près de 6.000 crédits pour près de 10 mds de DA qui ont financé la formule plus traditionnelle de l’auto-construction.

De nouvelles formules de crédits

 Plusieurs nouvelles formules de crédits connaissent également un succès croissant, c’est ainsi qu’en 2013 la CNEP a accordé à ses clients particuliers plus de 2.100 « crédits accession » pour la somme de 10,8 milliards de DA, un segment qui a été dominé par les crédits destinés à la cession de biens entre particuliers qui a été « très convoitée » avec près de 1.200 crédits et 5 milliards de DA, selon la banque. 540 crédits totalisant 3,2 milliards de DA ont également profité aux jeunes de moins de 35 ans. Le crédit aux jeunes, lancé en avril 2008, est remboursable sur 40 ans. Son montant peut atteindre 100% du prix du logement acquis, indique-t-on à la CNEP-Banque.

Une différence notable à souligner entre banques publiques et privées. Le montant moyen des prêts accordés par la CNEP est proche de 2 millions de DA. Les banques privées semblent sélectionner une clientèle plus aisée avec un montant moyen de prêts d’environ 3 millions de DA pour la Société générale Algérie par exemple.

Hassan Haddouche

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