Aïssa. C’est l’homme de la semaine. Pas Jésus, mais Mohammed. C’est le ministre algérien des affaires religieuses. Aïssa Mohammed. Déjà prédestiné à un esprit oecuméniste, par son nom et prénom. Le bonhomme, après un demi-siècle de ministres des cultes soporifiques, affairistes, sectaires ou rentiers, vient de se distinguer par trois révélations. La première est qu’il existe une communauté juive algérienne, très algérienne d’ailleurs comme il l’a dit, et qui aura droit à ses synagogues. La seconde est qu’il y a prise de conscience du danger du salafisme satellitaire, celui des Chouyoukhs talk-show et de la nécessité de fonder et de répandre un nouveau canon religieux à destination des croyants du Maghreb. La troisième, c’est une précision de taille, un ministre des Affaires religieuses n’est pas un ministre de l’islam mais de toutes les religions de la république.
Un détail ? Que non ! Des hordes d’ailleurs, des fanatiques d’ici, des chaines TV, des walis, des gens des régimes et des imams ont fait oublier aux Algériens que la nationalité n’a rien à voir avec le choix d’une confession. On peut être chrétien et algérien, athée et algérien, musulman et algérien ou juif et algérien. La nationalité n’est pas la religion et la religion de la majorité n’est pas la religion de tous. Et un ministre des affaires religieuses n’est pas un ministre de l’islam qui gère mosquées, zakat et imams. Cette précision réintroduit à l’esprit l’essentiel : le caractère républicain de notre pays. Un ministre des affaires religieuses gère les intérêts, les cultes et les représentations de tous les cultes. Et l’Algérie est un pays ouvert, pas un émirat.
C’est l’une des idées fondamentales qu’il s’agit de rappeler, de réintroduire dans les esprits, les écoles, les mosquées, les pensées et la tête des gens. Jeûner est un choix, ne pas jeûner est aussi un droit. L’islam est choisi, pas subi. Les autres religions ont des droits et des devoirs.
Et du coup, ce ministre brille. Aux yeux du chroniqueur, c’est la première fois qu’un commis de l’État, à ce niveau, à la tête de ce secteur, ose parler ainsi, diagnostiquer, affirmer et annoncer qu’il faut faire barrage comme il l’a fait durant le forum de « Liberté » cette semaine.
La seule erreur d’Aïssa Mohammed, a été l’accusation. Sur la question énorme de 230 imams sanctionné parce qu’ils ont refusé de célébrer le culte pour les victimes du crash de l’avion militaire à Oum El bouaghi, il s’est trompé. Il ne s’agit pas de gens manipulés par l’Occident comme il a dit, mais des enfants chéris d’un pays parrain et tuteur : l’Arabie Saoudite et ses « savants » assis. Ces 230 imams ne sont pas les enfants de notre histoire, de notre guerre de libération, de nos mères et femmes, mais les enfants de ce Royaume. 230 est un chiffre énorme. Cela donne l’échelle de cette tumeur qui gangrène ce pays, de ce qu’il faut entreprendre en urgence pour protéger notre seule terre. 230 imams qui encaissaient des salaires algériens, vivaient dans un pays libéré par des algériens, étaient protégés par une armée algérienne et qui ont refusé de célébrer la prière sur le corps des défunts militaires et leurs familles. Voilà la réalité de la main étrangère. La seule.
La sanction dans ce cas n’est pas suffisante, est-on tenté de dire à Mohammed Aïdda. Il faut les déchoir de leur nationalité et les renvoyer vers le royaume qu’ils aiment. Leur demander le remboursement de tous les salaires encaissés ou saisir leurs biens parce qu’ils ne sont pas des nôtres et ne le méritent pas.
Pour le reste, les déclarations d’Aïssa Mohamed sont à saluer. Une brèche est ouverte. Pourvu que les lobbys de ce secteur ne s’y mettent pas. Car dans les affaires religieuses, les affaires sont légions : corruption, favoritisme, bourses, affectations en France, logements, manipulations, clanisme, régionalismes et coups d’État.
Aissa, le nôtre, marche sur des œufs pour le moment, et tente de ressusciter des gens bien morts.