Y-a-t-il encore des Femmes en Algérie ? Par Abdou Semmar

Redaction

Abdou-Semmar1 «On ne naît pas femme : on le devient», disait l’audacieuse Simone de Beauvoir. Cette citation controversée prend tout son sens aujourd’hui en Algérie. Dans mon pays, des femmes existent bel et bien. Mais des femmes qui naissent uniquement femmes, et n’osent que rarement le devenir en imposant leur personnalité féminine à une société profondément machiste et phallocrate.

Non, pire encore, une société qui trouve plaisir à mépriser, violenter et violer des femmes fragiles et sans défense. Non, tant pis pour mes détracteurs, je ne suis victime d’aucune insolation sous ce brûlant soleil algérois du mois d’août. Je suis victime d’abord de l’indifférence et silence complice de ces femmes algériennes qui restent les bras croisées face aux violences dont sont victimes leurs congénères et leurs compatriotes du même sexe. Il est devenu coutume en Algérie, malheureusement,  de lire dans les colonnes des journaux qu’une femme a été battue à mort, assassinée après avoir été violée, kidnappée et abusée par plusieurs hommes à la fois. Des faits divers isolés ? Non, des phénomènes qui témoignent d’une inquiétante montée en puissance des violences faites aux femmes. Mais ces mêmes Algériennes, pourtant les premières victimes de ce fléau, n’opposent presque aucune résistance et laissent faire les violeurs, les hommes violents, sans tenter de se mobiliser pour casser les tabous et obliger le législateur à sévir contre ces hommes lâches qui évacuent leurs frustrations en agressant à la moindre occasion voisines, sœurs, collègues ou épouses.

Non, n’en déplaise encore une fois à mes détracteurs, et désormais mes détractrices, je n’exagère nullement et ma colère est justifiée. Avez-vous entendu une association de défense des droits des femmes dénoncer l’horrible crime dont fut victime jeudi dernier une femme de 48 ans à Tlemcen ? Elle fut égorgée par son mari en public et devant un poste de police ! Un crime abominable qui n’a suscité aucune réaction ni d’une quelconque féministe algérienne, ni d’une personnalité féminine sensible au combat des femmes algériennes.

Avez-vous vu un collectif de femmes lancer un appel à la mobilisation pour investir les rues et réclamer une réponse sévère contre ce crime, qui a visé d’abord et avant tout une femme parce qu’elle est femme ? Non, rien. Où sont-elles, ces associations et Unions de Femmes dont on entend uniquement parler un certain 8 mars ? Où sont-elles lorsqu’une de leur compatriote se fait égorger de la sorte en public ? Dans un autre pays digne ce nom, une telle horreur aurait scandalisé toute la société. Les femmes auraient assumé leurs responsabilités en se rassemblant devant des ministères ou institutions publiques, pour réclamer des mesures concrètes afin de lutter contre cette misogynie ambiante.

Dans un autre pays doté de bon sens, les femmes conscientes et fières de leur féminité ne se serait pas contentées de lire ce drame dans les rubriques des faits-divers de leur presse nationale. Et ce n’est ni le premier ni le dernier des drames qui touche à l’honneur et la dignité de la femme algérienne.

En juillet dernier, une femme médecin a été sauvagement assassinée à Chlef.  En février dernier, à Oran, deux femmes ont été retrouvées mortes après avoir été victimes d’abus sexuels suivis de plusieurs coups de couteau. Au début de l’année 2014, deux ressortissantes maliennes furent violées et battues brutalement.   La gendarmerie algérienne n’a même pas accepté au début d’enregistrer leurs plaintes. Et là encore, aucune réaction de nos féministes ou femmes émancipées n’a été entendue. En octobre 2013, une fille algérienne est violée par 8 hommes et tombe enceinte. Une tragédie qui a ému le pays, mais n’a pas suffi pour voir nos femmes se mobiliser et occuper l’espace public afin de dire stop à cette violence inouïe. Il ne se passe plus un jour sans qu’une algérienne ne soit battue, violée ou assassinée. Mais ces victimes ne bénéficient d’aucune solidarité de leurs compatriotes femmes.

Plus encore que les médias conservateurs, les imams fanatiques ou les autorités incompétentes, de nombreuses algériennes banalisent elles-mêmes ces violences et ces drames. Allah Ghaleb se conjugue au féminin aussi dans notre pays. On entend bien-sûr certaines avocates et politiciennes parler au Parlement, réclamer des lois sévères, mais rien de plus. Certains colloques sont organisés à Alger, on débite des belles paroles et on voit des femmes exposer leur courage dans une salle climatisée et confortable. Mais dans la rue, les places publiques, ces mêmes femmes fuient toute confrontation avec une société qui se défoule sur les faibles pour oublier ses angoisses.

La question de la femme a longtemps été un business juteux en Algérie. Des associations ont bénéficié d’énormément de subventions. Mais lorsque sur le terrain, la femme a besoin d’une action politique afin de défendre son honneur et sa dignité, ces féministes du sérail brillent par leur absence. Les Algériennes ont une grande part de responsabilité dans cette faillite, à cause de leur passivité. Leur dignité vaut beaucoup plus que des discours creux. Et il est temps qu’elles prouvent qu’il existe encore en Algérie des femmes avec un F majuscule….