Octobre 88 : «Non, ils ne sont pas morts pour rien !»

Redaction

/ DR

Le 5 Octobre 88, voici une date que beaucoup d’Algériens n’oublieront jamais. Et pourtant, ce jour-là, il n’y avait ni Al-Jazeera, ni Twitter et ni Facebook pour témoigner de l’ampleur de cette contestation populaire. La première du genre dans le monde arabe. Même Youtube n’existait pas encore pour diffuser les images de cette révolte algérienne spontanée, coléreuse et porteuse de revendications sociopolitiques étonnantes et pertinentes à la fois pour un pays faisant partie d’un monde arabe, à l’époque figé par ses antagonismes et ses déchirements identitaires.

Il faut dire que c’était la première fois que «l’homo arabicus» a investi les rues aussi massivement pour dire non à la dictature et exprimer son ras le-bol contre un régime médiocre, mafieux et illégitime. Malheureusement, 400 personnes ont péri dans ces émeutes qui ont embrasé tout le pays. Mais le sacrifice de ces Algériens n’aura pas été vain puisque pour la première fois dans l’histoire de leur pays, leurs compatriotes vont assister à une véritable ouverture politique. Une presse indépendante est née quelques mois après ce sanglant mouvement populaire réprimé dans le sang. Le multipartisme s’installe et la parole se libère petit à petit. Entre 1988 et 1990, l’Algérie a été tonifiée par un vent de liberté exceptionnel. Une fraîcheur démocratique que nul autre pays arabe n’a pu connaître à l’époque. La suite de l’histoire, tout le monde la connaît. Un espoir confisqué, des changements qui s’évaporent et un cycle de violences meurtrières déclenchées. Des violences qui ont fini par mettre le pays sous l’éteignoir pendant plus d’une décennie. Mais faut-il dire pour autant que les martyrs du 5 octobre 88 sont morts pour rien ? Non certainement pas car l’héritage de ce «Printemps Algérien» est toujours-là et la liberté est aujourd’hui une nourriture indispensable à l’âme algérienne. Beaucoup de choses doivent encore changer. C’est un fait. Mais prendre conscience de cette réalité, c’est en soi une preuve que les enfants d’Octobre ont réussi leur mission. Celle de démontrer que l’Algérie n’est pas condamnée à demeurer une triste «exception». Et si aujourd’hui, la nouvelle génération d’Algériens, notamment ceux et celles qui sont âgés de moins de 20 ans, méconnait un peu cet épisode important, il n’en demeure pas moins qu’ils ont repris en cœur leurs slogans et leur combat. «Barakat Mel Hogra» : combien de fois ce cri d’octobre 88 a-t-il été scandé dans les milliers de mouvements de protestations enregistrés durant les années 2000 ?

Mieux encore, la première passerelle qui lie les jeunes aujourd’hui à leurs aînés d’octobre 88 est incontestablement cette âme décomplexée qui n’a plus peur de réclamer ses droits et clamer haut et fort sa volonté de s’émanciper de tous les carcans. Qui a dit alors que les martyrs d’Octobre 88 sont morts pour rien ?

La rédaction